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Les Chevaliers d'Emeraude

 

Les Chevaliers d'Emeraude Titre : Le Feu dans le ciel

Auteur : Anne Robillard (voir sa biographie)

Résumé du premier tome :

L'Empereur Noir, Amecareth, a levé ses armées monstrueuses pour envahir les royaumes du continent d'Enkidiev. Bientôt, la terre de Shola subit les attaques féroces des sinistres dragons et des impitoyables hommes-insectes. Pourquoi les troupes d'Amecareth reviennent-elles sur le continent après des siècles de paix, mettant à feu et à sang le royaume glacé de Shola ? Les sept Chevaliers d'Émeraude - six hommes et une femme - sont les seuls à pouvoir percer ce mystère, inverser le destin et repousser les forces du Mal. Ils devront pour cela accomplir l'étrange prophétie qui lie Kira, une petite fille de deux ans, au sort du monde.

Critique personnelle du tome un :

Dans la droite lignée instaurée par Eragon, Les chevaliers d'Emeraude s'inscrit naturellement dans la liste des ouvrages plagieurs devenus des best-sellers par une bien curieuse tendance du marché commercial...
D'emblée, le roman pose un univers qui se caractérise par son absence flagrante de la moindre originalité. Les stéréotypes se posent aussi bien au niveau géographique qu'historique, sans parler bien sûr des principes, du style et des noms. Ainsi, le prologue narrant l'ancienne guerre rappellera le seigneur des anneaux à n'importe qui ayant vu le film ou lu le livre (ou les deux), c'est-à-dire quasiment tout le monde.
Presque immédiatement, s'ensuit le destin de Kira, qui... correspond quasiment mot pour mot à celui de l'enfant de Jenifer dans la tapisserie de Fionavar, un grand classique québécois. Quant au méchant, qui ne s'appelle pas Sauron mais presque, il n'échappe pas à l'éternel cliché de l'insectoïde et est connu sous le surnom trèèès original d'Empereur Noir.
Et si les royaumes ont eu l'idée poétique de s'appeler comme les pierres précieuses, on se désolera de ne voir que des noms à plusieurs mots, eux aussi directement repris des clichés habituels, même quand ce n'est pas justifié, s'amusant également à coller des majuscules un peu n'importe où ; et ce jusqu'à la désolante Forêt Interdite, un plagiat des plus visibles !

Les personnages, bien décrits au début, promettaient de se montrer attachants, hélas les serments ne sont pas tenus puisque certains voient leur psychologie développée (très peu et maladroitement, mais l'effort mérite d'être relevé) mais la plupart ne le sont pas du tout. Le pire est sans doute Wellan, autour duquel tourne l'ensemble du récit : censé incarner la perfection, il tombe fou amoureux d'une femme qu'il a croisée trois minutes et décide de la retrouver pour l'épouser. Outre le fait qu'on n'y croit pas une seconde, tellement les sentiments sonnent faux, on a là un bel exemple de moralité puisque la femme en question est mariée, ce qui ne semble choquer personne dans cette soi-disant fratrie de la perfection...
La double-personnalité de Wellan ne s'arrête pas là : ainsi on le décrit le plus souvent possible comme une armure de glace camouflant trop bien ses sentiments alors qu'à tout bout de champ il se retrouve dans une crise ou l'autre, une colère sourde aux apaisements d'autrui ou un désespoir artificiel déballé dans des larmes pathétiques, devant des personnes peu adaptées à affronter la situation.
Les chevaliers eux-mêmes sont certes choisis pour leurs qualités intrinsèques ; n'empêche ils en ont trop, à un point qu'on se demande pourquoi ils s'inquiètent alors qu'ils sont si parfaits. N'oublions pas non plus qu'ils sont censés être à la fois novices et pionniers, eh bien à voir leur assurance et les nombreuses qualités qu'ils montrent face à des situations soi-disant inédites, on a du mal à le croire.

Bien sûr, au-delà de ces aspects liés à l'univers, reste l'intrigue qui hélas se révèle elle aussi consternante : linéaire, prévisible, cousue de fil blanc et sertie de dialogues qu'on pourrait sans problème réciter avant de les avoir lus. L'action se déroule assez rapidement ; on pourrait la juger équilibrée si le style ne se montrait pas d'une uniformité soporifique, ce qui est dommage car il ne contient pas non plus d'erreurs flagrantes et démontre chez l'auteur un certain potentiel... pas encore développé toutefois.
Enfin on pourra y relever certaines curiosités ; par exemple concernant les distances. Il est amusant de constater que deux ou trois jours de cheval suffisent pour relier un royaume à l'autre ; il faut croire que le continent n'est pas très grand... bien sûr on préférera ne pas s'interroger sur le taux de fatigabilité des chevaux, puisque vraisemblablement ils semblent inépuisables !
Les relations entre les personnages, en particulier au moment des rencontres, sonnent malheureusement bien creux. Pourtant l'auteur a fait l'effort de les différencier les unes des autres, au niveau caractériel du moins, mais cela ne dissimule en rien des faiblesses énormes, par exemple dans le système de sécurité : assassiner le roi ne semble pas bien difficile... De même, alors que les chevaliers font parfois preuve de méfiance, celle-ci retombe bien vite, sans aucune preuve valable.
On peut aussi trouver étonnant que le roi d'Emeraude s'appelle Emeraude 1er... Vu l'originalité du nom on aurait plutôt pu s'attendre à Emeraude XVI ou autre, enfin bon...
Et on ne dira rien sur les « fins stratèges » qui tombent dans le même piège que la fois d'avant, ni sur les parchemins inconnus et oubliés de tous alors qu'ils étaient juste planqués dans un fond de la bibliothèque...

Bref, on pourrait encore en trouver des tonnes de ces détails subtils qui peuvent faire la réussite d'un livre mais qui en l'occurrence, tendent plutôt à le couler tellement leur traitement s'est vu négligé. Dommage, il aurait pourtant tenu à peu de choses de perfectionner tout cela et, à défaut d'un livre original, d'en faire au moins livre acceptable et complet... De nombreuses questions restent sans explication et frôlent presque l'incohérence, du moins tant que leurs réponses restent dans l'ombre (Pourquoi est-ce Emeraude qui se charge de la protection du continent et pas un autre royaume ? Pourquoi Amecareth n'a-t-il pas tout simplement emmené Fan de Shola chez lui au lieu de se fatiguer à revenir chercher son enfant trois ans plus tard ?). Et malheureusement, on éprouve la fâcheuse impression de se trouver face à un produit qui, non content de plagier ouvertement ses prédécesseurs sans proposer la moindre innovation, n'a pas été correctement finalisé...

Cependant, les chevaliers d'Emeraude peut se révéler agréable, de par sa construction rapide et son style équilibré, en tant que premier roman de fantasy. On peut donc espérer qu'il puisse constituer une piste d'ouverture qui par la suite, pourra emmener les plus jeunes lecteurs à la découverte des racines du genre et les pousser à entamer d'autres œuvres plus riches et variées, à la qualité autrement plus élevée.

Note finale : 5,5/10

Sherryn

*******

Autre critique du tome un :

Les Chevaliers d'Emeraudes connaissent un succès notable auprès des lecteurs, notamment chez nos amis québécois. Arrivée en France depuis quelques temps, le quatrième tome venant d'ailleurs de paraître, cette série titillait ma curiosité : pour la énième fois, la Fantasy se tournerait-elle en vitrine du merveilleux, avec un monde riche, peuplé de rêves et d'innovations ? Ou affronterai-je un produit formaté par la société de consommation ?

Malheureusement, la logique s'infléchit en faveur du second cas. En effet, nous n'obtenons pas la quintessence du talent ni un livre original : Les Chevaliers d'Emeraude évoque une série assez revue, et non dénuée d'archétypes. Vous considérez mes propos en fronçant les sourcils, aux vues du battage médiatique, mais je vous déconseille cette lecture, sauf si vous débutez en fantasy, dont ni le style, ni l'univers, ni le scénario ne vous convaincront.
Dans un premier temps, le cadre s'avère cousu du fil blancs : un monde au bord du gouffre, menacé par un Empereur Noir et se reposant sur sa caste de guerriers, nous espérions mieux comme plat de résistance. Ainsi, ne cherchez pas la virtuosité entre les lignes car elle se glissera vers d'autres rivages : les personnages se façonnent sur des stéréotypes et développent des qualités pour le moins eidétiques (beauté, force, courage, sagesse) tandis que la psychologie, elle, tourne le dos à l'ouvrage. En cédant à la caricature, nous pourrions résumer leurs traits de caractères à ceci : ils ferment leurs esprits à toute humanité puis se murent derrière leur glacis idéal. Impossible de ne pas sourire en découvrant ces protagonistes, quand bien même serions-nous tolérants !
Les "innovations" émaillant le récit nous abîment alors dans le scepticisme ; présenter une enfant singulière, introduite à la cour sans parvenir à s'y intégrer, augurait certaines surprises, toutefois l'auteur se limite à la surface des choses : jamais elle ne tissera ses états d'âmes, n'étayera sa psychologie ou ses tréfonds. Si nous grattons un peu, nous nous achopperons au vide.

Sur le plan du monde, difficile là aussi de demeurer sérieux. Outre les incohérences spatiales (une dizaine de jours semble suffisant pour traverser le continent, ce qui reviendrait à la moitié de la France), les maladresses surviennent régulièrement : la géographie ne fait pas l'apanage des écrivains, nous le savions, mais accoler climats tropicaux, polaires et désertiques sur une si grande échelle effraie ! Pourtant, Anne Robillard s'y essaie sans contrainte, ravie de nous détailler les variantes climatiques de son univers.
Bien sûr, on pourrait prétexter son caractère irréel, néanmoins l'ensemble ne soutient guère l'œuvre. Que dire de la pauvreté conceptuelle des religions ? Du classicisme des villes, des lieux, des pays ?
La Fantasy nourrit l'imaginaire depuis ses prémices. Les auteurs tentent à chaque fois d'ajouter leurs ingrédients, d'écrire une page de sa vaste encyclopédie. Anne Robillard ne parvient à leur niveau et, à vrai dire, son livre satisfera surtout un lectorat jeune.

Le scénario, lui, aurait pu rehausser le tout. Je dis bien aurais pu, car là encore, nous devions être déçus. L'ennemi héréditaire s'apprête à conquérir Enkidiev, or les Chevaliers d'Emeraude, vaillants guerriers, se dresseront contre lui.
Cessons ces simagrées : vous l'aurez devinée la trame scénaristique ne comporte guère de surprises, les révélations se limitant au lignage des protagonistes, et la fin étant prévisible dès les premiers chapitres. Le recours aux raccourcis, eux aussi, déservent le roman : alors que l'auteur clame la fine intelligence de ses héros, leurs discours se réduisent à des palabres vaines, où nous n'apprendrons rien, sinon l'absence de logique dans la construction du récit. Une phrase de Wellan, le personnage principal, résume ma pensée :
"C'est seulement un pressentiment. Mais si cet empereur est un fin stratège, ce dont je ne doute pas, il pensera que nous l'attendons de pied ferme dans le nord, où il a déjà frappé. C'est le sud que nous devons protéger." Avouez, vous vous en doutiez, n'est-ce pas ?

Le style, quand à lui, révèle une portée plutôt juvénile, qui conviendra à cette tranche de lecteurs mais pourrait rebuter les autres. Le vocabulaire ne se souligne ni par sa richesse, ni par ses rondeurs ; les répétitions s'avéreront... répétitives, et les erreurs de syntaxe pourraient vous déplaire. Vous ne vous phagocyterez guère l'esprit !

Au final, je retiendrais les longueurs, la surenchère, l'absence de cohérences. Bien sûr, il pourrait plaire aux plus jeunes, mais je leur citerai aussi de meilleurs titres, tels Bilbo le Hobbit, A la Croisée des Mondes, l'Assassin Royal, la Trilogie de Bartiméus, et même Artémis Fowl...

Note finale -lecteurs expérimentés-: 5/10
Note finale -jeunes lecteurs-: 6/10

Sahagiel