La Fantasy

Les différents genres

Il est maintenant nécessaire de donner une définition à la fantasy. On peut la découper en plusieurs tendances, elles-mêmes divisées en un certain nombre de branches qui se mêlent ou s’entrecroisent selon leurs caractéristiques. Par cet aspect éclaté, la fantasy semble difficile à classifier, à réellement spécifier. Toutefois, on peut globalement admettre ces notions :

Tout d’abord, quelle est la différence entre la fantasy et le fantastique, trop souvent confondus ?

Pour simplifier cette comparaison, on peut la mener ainsi : le fantastique inclus l'intrusion d'un élément surnaturel dans un cadre réaliste. Donc, l'apparition d'événements inexplicables dans un contexte connu du lecteur ; par exemple, si la magie ou les sorcières s'immiscent au coeur de Paris, on a bien un élément incompréhensible (les sorcières) dans un monde normal (ici représenté par Paris). A son contraire, en fantasy, l’œuvre débute, se déroule et se termine dans un monde inventé, donc sans repères contemporains donnés aux lecteurs.
Cependant, attention au déterminisme, soit penser qu’il suffit de connaître le cadre pour dégager le genre. Il faut également prendre en compte l’atmosphère produite par le roman. Du fait de cette intrusion inconcevable, le fantastique sera ainsi plus angoissant, plus déstabilisant aux yeux du lecteur, tandis que la fantasy instaure une certaine confiance. Certes, le lecteur échoue sur des rivages inconnus, mais cela n’en reste pas moins crédible, il peut le concevoir, laisser dériver son imagination sans craindre de se perdre. Car étrangement, un univers inventé, entièrement, semble moins inquiétant que le concours d’éléments incroyables dans « notre monde », là où le moindre changement génère une forme de malaise. En fantasy, la magie, l’irrationnel, sont admises car cohérentes avec leur environnement, lui-même entériné par d’autres normes et valeurs ; en fantastique, nous connaissons déjà les règles, or les modifier revient à perturber notre conception des choses.

La high fantasy : la high fantasy est aujourd’hui le sous-genre le plus porteur, avec l’heroic, de la fantasy. Ayant depuis quelques décennies le vent en poupe, il fend les flots des ventes pour s’imposer peu à peu comme une référence.
Manichéistes et s’inspirant très souvent des légendes celtes et scandinaves (l’exemple le plus explicite demeurant le Silmarillion, de J.R.R Tolkien), ces livres présentent une lutte à mort entre les forces du bien et du mal, cette dernière finissant toujours par tomber sous la hargne des héros aussi invincible paraissait-elle tout au long du cycle. Les héros, justement, constituent une communauté où l’entraide s’opère et où chacun des protagonistes se dote d’une spécificité, par exemple le vieux mage qui connaît plus de chose qu’il ne veut le laisser paraître. Ainsi, l’intrigue est très axée sur les pérégrinations de ce groupe, au contraire de l’héroic où on centrera la narration sur l’unique héros. De même, le personnages principal, à la noble naissance la plupart du temps, débute sa quête, son initiation, à la suite d’une prophétie ou d’une catastrophe qui le force à quitter son village. L’auteur use à ce titre d’un grand nombre de canevas dramatiques, de révélations et dépeint son monde avec un grand soin, afin d’en imprégner les lecteurs. La psychologie des personnages est ainsi plus fouillée, voire recèle certaines ambiguïtés appréciables quand on émerge à peine d’un heroic (oui, je n’aime guère l’heroic, vous l’aurez compris). Enfin, les courbes et ondulations du scénario serpente parfois sur plusieurs tomes, reproche d’ailleurs récurrent, de telle sorte qu’il n’est pas étonnant de voir des cycles aux douze, treize, quatorze tomes.
Exemples : Le Seigneur des Anneaux, de J.R.R Tolkien ; La Roue du Temps, de Robert Jordan ; Terremer, de Ursula Le Guin ; Les Chroniques de Krondor, de R.E Feist…

 

L’heroic fantasy : l’heroic fantasy (aussi nommé Sword and Sorcery par Leiber) pousse sur le devant de la scène un héros, seul au centre d’un monde belliqueux, dont les forces seront la bravoure, le courage et l’héroïsme. Dans cet univers violent, le parfum capiteux du sang se mêle souvent aux fracas des batailles ainsi devra-t-il régler ses problèmes par le combat, s’enferrant sur ses ennemis à un rythme effréné. Guère de lyrisme ici, les protagonistes expriment leurs sentiments au fil de l'épée, affleurent les passions entre deux algarades et, en fin de compte, évoluent dans un monde où la nuance de noir prédomine.
Le cadre de l’histoire s’inspire largement d’atmosphères moyenâgeuses aux habitants pour le moins pittoresques, parmi lesquels on retiendra nécromant, sorcier, dragon ou guerrier.  Leurs caractères en acier trempé conduiront le lecteur dans une aventure rapide, très dense en action sans pour autant être démunie de psychologie. Au fil des textes, les thèmes abordés demeurent universelles, tels la violence, la torture physique et mentale, l’oubli d’un passé cruel, le deuil, le désenchantement, mais souvent traités d’un regard adulte, ce qui pourrait rebuter les plus jeunes. Quand bien même tombons-nous rapidement dans la répétition, le tournant pris par l’heroic depuis quelques années recèle bien des surprises. Désormais, l’humour semble de mise et les héros, jusque là seul pour affronter leur destin, commence à s’entourer de proches.
Exemples : Le cycle de Drenaï, de David Gemmell ; Conan le Barbare de R.E Howard.

 

La light fantasy ou fantasy burlesque : dans ce genre très particulier, centrée en grande partie sur l'humour et la parodie des cannons de la fantasy, les clichés voient sérieusement mis à mal. En effet, pour verser dans l'humoristique, les auteurs n'hésitent pas, sous couvert de distraction, à critiquer les bases mêmes du genre, tombant souvent sur l'heroic fantasy et ses héros sans peurs ni défaillances. Les histoires sont ainsi galvanisées par un ton léger où les personnages, la magie ou les ennemis se révèlent plus amusants qu'effrayants. Lecture de détente par excellence, on retiendra des livres comme les Annales du disque monde, de Terry Pratchett ; ou encore Les Livres Magiques de Xanth, de Piers Anthony.

 

La Dark fantasy : la Dark fantasy nous apparaît comme le genre le plus pessimiste, le plus baroque et le plus désenchanté de la fantasy. La où des cycles de high se gargarisaient d’un monde féerique, la dark inverse le rapport de force et abîme le lecteur dans un univers inquiétant, si ce n’est ténébreux. Ainsi, le Bien et le Mal ne poursuivent plus une lutte convenue, puisque ici, les adorateurs de l’ombre l’emportent sur la lumière. Les héros de ce genre s’avèrent ainsi tout à fait innovants ; loin derrière les guerriers sans peur ni reproches, ils se révèlent faibles, couards s’il le faut, et surtout impuissants face à l’écheveau du destin. Victimes de la course du temps, ils subissent de nombreux tourments, perdent jusqu’à la raison pour en fin de compte ne pas vaincre. Ce genre où la faiblesse des protagonistes nous touche, incite les lecteurs à apprécier de nouveaux archétypes, telles des créatures effrayantes, des phénomènes abominables, le tout sous couvert d’une mythographie soignée et appréciable. Les auteurs s’ébaudissant dans ce genre appartenaient très souvent au cercle de H.P Lovecraft, l’auteur fondateur du genre, très certainement. Au tour de lui se sont acérés d’autres plumes, avec une influence non dissimulée, comme celles de Clark Ashton Smith, Samuel Loveman ou August Derleth.

 

La fantasy urbaine : ce genre encore peu reconnue en fantasy se développe dans un cadre contemporain, accessibles aux lecteurs car mettant en scène notre vie de tous les jours, avec ses villes modernes et ses immeubles, ses technologies banales, et ses différentes injustices sociales. Dans ces univers, l’homme a rejeté l’influence du merveilleux au rang de légendes, de mythes, de contes ou de racontars pour enfants. Ainsi, seules les vieilles traditions se perpétuent, quand déjà folklore est considéré comme rétrograde. Cependant, les créatures féeriques n’ont pas disparues : elles se réfugient seulement aux limites du monde humanoïde, se cachant des habitants, s’établissant dans les coins les plus retirés, au sein même des villes. L’intérêt du livre se déploie lorsque le héros franchit la frontière qui sépare le rationnel de l’irrationnel, d’une manière volontaire, involontaire ou même forcée, si le merveilleux entame les barrières de leur monde pour en bousculer le quotidien. N’étant pas démuni de réflexions sociologiques, ce genre continue à évoluer au fil des ans, touchant un public restreint, mais fidèle.  
Exemple : Neverwhere de Neil Gaiman.

 

La science fantasy : La science fantasy est généralement difficile à définir, du fait de ses points communs, plus ou moins avérés, avec la science fiction. Toutefois, ses romans s’inscrivent dans un certains nombres de critères, le tout se déroulant dans un système extra planétaire, soit sur des planètes lointaines dotées de caractéristiques  physiques bien différentes des nôtres. La plupart du temps, les romans mettent ainsi en scène des migrants terriens, mettant à profit une science des plus rationnelles, qui suite à leur implantation sur ces nouvelles contrées vont évoluer, s’adapter, revenir à une époque plus médiéval et finalement côtoyer une magie mystérieuse. Si celle-ci s’explique par diverses expérimentations génétiques, psychiques ou technologiques, ses mondes recourent toutefois largement au domaine du merveilleux, comme c’est le cas des dragons, dans le célèbre cycle d’Anne McCaffrey.
Exemples : Les Ballades de Pern, d’Anne McCaffrey ; Gandahar contre les hommes-machines, de Jean-Pierre Andrevon.