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Loveless

 

Loveless Titre : Larme Ultime

Mangaka : Yun Kouga

Genre : fantastique, shônen-ai

Résumé :

Depuis la mort de Seimei, son grand frère adoré, le petit Ritsuka n’est plus le même. Non seulement il a perdu le souvenir de son passé, mais sa propre mère ne le reconnaît plus et le brutalise. Alors qu’il entame son année dans une nouvelle école, il se montre taciturne et repousse les tentatives d’amitié de Yuiko. Mais voilà qu’il rencontre le mystérieux Sôbi qui lui fait des avances pour le moins suspectes ! Ritsuka découvre alors le message posthume de Seimei, lui indiquant qu’il « lui laisse un combattant » : Sôbi. Ritsuka devient alors le sacrifice de ce dernier, et s’engage dans un monde où les mots portent la magie nécessaire aux combats… Parviendra-t-il à découvrir le secret qui se cache derrière l’assassinat de son frère ?

Critique personnelle :

Des combats de mots, des queues de chats, des paires prédestinées…

Loveless présente d’emblée un univers particulier, à même de dérouter le lecteur lors de sa première approche. Le point qui le frappera en premier concerne l’apparence des personnages : tous portent des oreilles et une queue de chat… du moins jusqu’à ce qu’ils « deviennent adultes » (tout le monde comprendra de quoi il est question). Une caractéristique pour le moins surprenante, et qui participe d’une certaine façon à l’ambiance vénéneuse du manga puisqu’elle révèle au grand jour un sujet que nous pourrions considérer comme intime ; ainsi, la jeune professeur de Ritsuka, qui a toujours ses oreilles, subit-elle régulièrement des remarques déconcertantes à ce sujet.
Les combats sont l’autre caractéristique qui contribue à faire de Loveless un manga à part : ils se déroulent par mot interposés, après que le duel a été accepté par les deux camps. Le plus rapide et le plus précis obtient vite l’avantage, mais si la pression est immense pour les belligérants, c’est parce qu’ils ne subissent pas eux-mêmes les conséquences de leur défaite… Les combats ne peuvent en effet être livrés que par une paire, composée d’un « combattant » et d’un « sacrifice ». Et c’est ce dernier qui subit les coups et les blessures, qui se retrouve tour à tour enchaîné, étouffé et couvert de sang, tout cela à cause d’une défense défaillante… Une immense responsabilité que le combattant porte sur ses épaules, et face à laquelle tous ne réagissent pas de la même manière.
Les mots ayant une grande importance dans l’univers de Loveless, les paires sont bien sûr formées à partir de ceux dont le « vrai nom » est semblable. Or, si le vrai nom de Sôbi est Beloved, comme Seimei, celui de Ritsuka est Loveless. Un nom de bien mauvais augure qui marque leur disparité, et pourtant n’empêche pas leur relation d’emprunter des chemins tortueux.

Un shônen-ai qui distille doucement son venin, des personnages qui ne dévoilent pas tous leurs secrets…

Les oreilles de chats et le système des combats parent d’office Loveless d’un côté malsain qu’un petit pas seulement sépare de la perversité ; mais comme si cela ne suffisait pas, les personnages se montrent pour la plupart d’une ambiguïté déconcertante.
Ritsuka est le premier cas psychique. Amnésique, il ne sait pas lui-même quelle est sa vraie personnalité, et s’il tend à refuser les contacts humains, il n’en est pas moins désespérément à la recherche de souvenirs qu’il espère se créer artificiellement en photographiant tout et n’importe quoi.
Quant à Sôbi, malgré qu’il soit « adulte », il ne manifeste aucune vergogne à tenter de séduire Ritsuka en l’embrassant à tout moment ; et si tout cela ne va jamais très loin, plus d’un lecteur se sentira dérangé par cette relation anormale. D’ailleurs, il est difficile de dire si Sôbi est sincère ou non, car on sait que Seimei lui a expressément ordonné d’aimer Ritsuka, et il avoue lui-même ne pas toujours dire la vérité.
Les couples nommés Zero constituent une autre particularité. Dépourvus de la faculté de souffrir, ils se montrent de redoutables combattants mais ce dévouement peut les conduire à la mort puisqu’ils se révèlent incapables de s’arrêter avant qu’il ne soit trop tard. Conscients eux-mêmes de se trouver sur le fil d’un rasoir, désireux de plaire à un maître exigeant, ils affichent une attitude agressive de fausse assurance mais qui ne sert qu’à mieux camoufler des âmes torturées.
Seimei, enfin, prétendument assassiné, est le personnage qui soulève le plus d’interrogations. Ritsuka le vénère mais le lecteur, lui, en vient rapidement à s’interroger sur son honnêteté. Et les moindres doutes soulevés à l’égard de Seimei se répercutent immanquablement sur Sôbi…
Au final, le lecteur trépigne et se voit emporté par ces questions sans jamais s’approcher de la vérité. Plus l’intrigue avance, plus le mystère s’épaissit, plus les vérités les plus inimaginables prennent de la consistance au point de devenir probables…

Un manga empoisonné, un manga hypnotisant

Shônen-ai déclaré, différence d’âges, réactions imprévisibles, conséquences des combats se reportant sur un autre, oreilles de chat révélatrices de virginité… et ce n’est pas fini ! Loveless est un manga qui joue avec les interdits et flirte avec les tabous ; son ambiance s’imprègne résolument d’un côté malsain où tout, même le détail le plus innocent, peut soudain prendre un sens dérangeant. Il est évident qu’un grand nombre de gens en seront rebutés, mais d’autres se sentiront irrésistiblement attirés par cet univers dégoûtant mais séduisant, où l’impossible peut se révéler possible… même le pire.

Note finale : 8.5/10

Sherryn