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Larme Ultime

 

Larme Ultime Titre : Larme Ultime

Mangaka : Shin Takahashi

Résumé :

Chise et Shûji sont un couple comme tant d’autres. Elle est timide, lente, s’excuse à tout bout de champ. Il est plutôt bourru, indélicat, et peine à exprimer ses sentiments. Mais dans leur petite ville portuaire, il n’y a pas beaucoup d’amusements, pas beaucoup de distractions, à deux, ils prennent la décision de s’aimer et d’avancer ensemble dans la vie, maladroitement mais à deux…
Hélas, un événement inattendu vient bouleverse leurs vies. Sans même qu’on en sache jamais les raisons, la guerre éclate ; le conflit, rapidement, s’étend au monde entier. Un jour, au cours d’un bombardement, Shûji découvre le secret de sa petite amie : Chise est devenue l’arme ultime. Un engin d’une puissance extraordinaire, imprévisible, incontrôlable…

Critique personnelle :

Des personnages égarés, qui se cherchent sans se trouver

La vie de Chise dépend désormais de la guerre. Dilemme inextricable qui dirige désormais sa vie : l’armée fait d’elle une arme, l’envoie au front pour tuer, mais la maintient en vie, lui permettant ainsi de continuer à vivre son histoire avec Shûji, de rester humaine en étant amoureuse alors que la machine grandit en elle.
Shûji, plus maladroit, demeure dans la ville où règne encore un semblant de paix. Les nouvelles de la guerre lui parviennent surtout par leur absence : absence grandissante de communication, absence toujours plus nombreuse d’hommes valides, absence d’images, et puis, absences répétées de Chise. Shûji éprouve beaucoup de mal à reconnaître ce qu’est devenue sa petite amie, et se raccroche désespérément à son ancienne image, mais toujours, la vérité le rattrape quand, à un moment inattendue, Chise lui révèle des bribes de ses visions du front…
"Ils sont tous morts d'un coup. Ils n'ont pas souffert. Aucun d'eux n'avait plus de vingt ans..."

Une guerre inhumaine, parce que les héros n’y existent pas…

Jamais la guerre n’a été aussi durement décrite que dans Larme Ultime. On n’en connaîtra jamais les causes ni les ennemis, ce qui la dépourvoit encore du peu de sens qu’elle aurait pu avoir. Les soldats se battent sans véritable motivation, certains pour un idéalisme naïf qui tombe rapidement en désillusion, d’autres parce qu’ils ont tout perdu et s’en vont au combat par dépit. D’autres, enfin, s’engageront par vengeance, parce qu’une attaque inattendue aura anéanti leur vie, provoquant des blessures incurables.
Quant à ceux demeurés à la maison, s'ils ne subissent pas les images effrayantes du front, ils n'en voient pas moins leur univers se dégrader lentement. Les hommes disparaissent, la communication ne se transmet plus, les marchandises ne circulent plus, les médicaments et la nourriture se raréfient... Au point de ne plus réussir à faire face aux malheurs naturels qui frappent la côte.
"Il n'y avait presque plus ni médecins, ni médicaments, ni ambulances. On n'a pas pu les transporter, alors ils sont morts. Nous ne pouvons faire que très peu de choses... Et ce que chaque personne peut faire est vraiment infime. Nous n'avons rien pu faire pour nos amis qui souffraient sous noy yeux, et ils sont morts."

Un graphisme particulier, dérangeant et touchant…

Le graphisme de Shin Takahashi, de prime abord ne paie pas de mine. Ses personnages semblent rapidement esquissés, mais cet effet se trouve contrebalancé par des paysages extrêmement détaillés, le plus souvent réalisés à partir de photos. A sa manière, le mangaka met en valeur la fragilité de l’équilibre humain, la délicatesse des émotions.
Il use également de techniques parfois perturbantes. Si son manga est probablement le manga le plus « littéraire » qui soit (il est possible d’en lire des extraits comme s’il s’agissait d’un roman), son texte ne serait rien sans l’impact bouleversant des images, toujours insérées au bon endroit et de la bonne façon. A plusieurs reprises, le lecteur sera tout simplement happé par des pages n’hésitant pas à employer les grands moyens (double-page, pages noires, pages vides, cases petites et serrées…) pour marquer le choc des événements évoqués.

A retenir

Histoire d’amour et de guerre, Larme Ultime est un manga au ton juste et à l’équilibre délicat, qui s’assombrit au fil des tomes, évoquant l’humain mais aussi l’humanité, le sens de la vie, des armes, et de la préservation de la Terre. Après avoir lu ce manga, seuls les sadiques et les pervers pourront ne pas chercher à se remettre en question.

Note finale : 8/10

Sherryn