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Le Râmâyana

 

Le Prince d'Ayodia Titre du cycle : Le Râmâyana

Titre du livre : Le prince d'Ayodiâ

Auteur : Ashok K. Banker (voir sa biographie)

Genre : Fantasy

Résumé du premier tome :

Ta mère de sang martyrisée, ton père et tes frères dévorés vifs, ton peuple massacré, tes fières cités pillées, rasées... Tu n'es encore qu'un gamin, mais tu apprendras. Je t'enseignerai le chant de la douleur et de la terreur. Alors, tu plieras le genou. Tu imploreras en sanglotant l'honneur de t'humilier devant moi. Jusque là, dors de ton sommeil d'enfant. Et rappelle-toi : Ayodiâ tombera. Pâma, le fils aîné du roi d'Ayodiâ, est réveillé en sursaut par ces paroles terribles murmurées à son oreille : Bien que seul dans la pièce, la voix continue à proférer des atrocités, tandis que s'imposent à lui des visions d'apocalypse. Ayodiâ l'" Imprenable ", capitale des guerriers et des brahmanes, jamais vaincue ni assiégée, ne sera bientôt plus que cendres et ruines. Car Ravana, le roi des démons que même les dieux redoutent, menace de lancer ses armées maléfiques à l'assaut du monde des mortels. Seul le prince Râma peut tenter d'empêcher cette invasion démoniaque. Aidé par l'épée magique de son frère et l'esprit des prophètes, il ne pourra compter que sur lui-même jusqu'à la bataille finale, qui sauvera ou damnera la ville sainte. Le Prince d'Ayodiâ est le premier volume d'une série qui comprendra sept tomes.

Critique personnelle du tome 1 :

Le Râmâyana, fresque hindous vieille de plusieurs milliers d’années, voilà à quoi nous touchons. Autant le dire, Ashok K. Banker ne cache pas ses ambitions : pour s’attaquer à un tel mythe, il fallait bien du courage ! Mais quel fut le résultat, au regard de ce premier tome ?

L’auteur nous invite dans un monde où les avatars de la Fantasy sont mis à bas. Laissez de côté les triptyques et les schémas directeurs dont vous vous repaissez, ici nous affleurons une Inde cryptique et indolente, une Inde source de mystères, en bref : une volte de fragrances qui embaument les pages. Les ruelles fangeuses ou les sentiments exacerbés par le fil d’une lame semblent alors bien loin, tant le dépaysement se fait norme en parcourant cette œuvre !
Si l’auteur souhaite galvaniser le genre en lui injectant une dose d’exotisme, il y a réussit à merveille car l’univers créé se hisse au faîte du renouvellement.
Illustrons par quelques exemples : une organisation sociétale et des coutumes qui charment, un bestiaire pour le moins effrayant (comptez sur des monstres sujets à l'anthropophagie... adepte de l’horreur vous serez servis !), des protagonistes aux psychologies travaillées, des villes à rendre badaud le plus blasé des architectes… On pourrait disserter longtemps sur une telle richesse. Ajoutez à cela un fond historique marqué, quoique sujet à des interprétations ou à des détournements de la part de l’auteur, et vous obtiendrez une fresque prenante.

Mais en un sens l’auteur pêche par excès : une fois passé le premier émerveillement, on se lasse de se référer au glossaire (qui pour une fois aura une véritable utilité, avouons le) à toutes les phrases, au point de décrocher tant la récurrence des termes inconnus jugule l’immersion. Sans doute aurait-il été ingénieux de mieux introduire le sanskrit, certes en perdant une frange de nouveautés, mais en équilibrant au mieux l’ensemble. Mascaret de termes abscons ou émulation de virtuose, je vous laisse trancher, pour ma part je considère cet excès comme une maladresse narrative, quand il aurait été plus astucieux de filer l’ambiance sur un autre mode.
Cette parenthèse refermée attachons nous aux autres aspects de l’œuvre. Le style, en premier lieu, ourdie un discours élégant malgré une prise de risque limitée. En remisant le renversement du premier chapitre, la plume de l’auteur demeure uniforme et faconde tout son long, en mettant en relief l’ambiance générale, une attention contribuant à enrichir un livre décidément bien riche. On sent au fil des chapitres que l’écrivain aime son monde, le vit en même temps que nous ; il ne se contente pas de décrire les manigances politiques ou les diverses pérégrinations, il les accompagne dans leurs quêtes, les étaye avec un luxe d’enthousiasme. Tantôt conteur, tantôt maître du suspense, cette implication suffit à ourdir le récit : car quoi de mieux, en lisant un roman, qu’y sentir la passion ?

Par ailleurs, les points de vue permettent de savourer l’intrigue selon différents angles, y compris celui des adversaires, ce qui tend à nuancer le manichéisme. Car nous assistons bien à une lutte à mort entre le bien et le mal, toutefois la façon dont les éléments sont amenés, les tribulations des personnages et leurs oscillations esquivent les écueils habituels. Toutefois, notons quelques freins à mon enthousiasme : le livre se veut une réécriture moderne de la geste de Rama, pourtant nous nous enferrons sur une pincée de caricatures, quand l’auteur dote son héros de pouvoirs mystiques, lui conférant assez de force pour abattre un arbre à mains nues ou massacrer une armée entière. Bien sûr, le panneau mythe pointe son nez à chaque page, néanmoins les puristes n’accrocherons pas à ce manque de crédibilité.

En bref et en concis, nous refermons ce livre sur un note mitigée : source d’émerveillement, on ne saurait juger le cycle sur cet unique tome (composé par ailleurs de sept livres, de quoi étayer encore l’univers !). Un roman ainsi riche, bien mené, avec un style qui ne dément pas, il parviendra à vous combler, si la barrière du mythe ne vous effraie pas !

Note finale : 7.5/10

Sahagiel