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Elric des dragons

 

ElricAuteur : Michael Moorcock (voir sa biographie)

Genre : Fantasy

Résumé du tome :

Melniboné, l'île aux Dragons, régnait jadis sur le monde. Désormais les Dragons dorment et Melniboné dépérit. Sur le trône de Rubis siège Elric, le prince albinos, dernier de sa race, nourri de drogues et d'élixirs qui le maintiennent tout juste en vie. La menace plane ; alors il rend visite au Seigneur du Chaos, Arioch, et conclut un pacte avec lui. Il s'engage ainsi sur le chemin de l'éternelle aventure : le Navire des Terres et des Mers le porte à la cité pestilentielle de Dhozkam, et son destin le pousse à franchir la Porte des Ténèbres ; au-delà, deux épées noires attendent leur maître et leur victime… Grande ambitions, passions monstrueuses. Idéaux et trahisons. Souffrance atroce et joies cyniques. Tourments de l'amour et douceur de la haine. Un passé ancien, qui revivra dans les plus immondes cauchemars.

Critique personnelle du tome :

On pourrait disserter longtemps sur un tel roman, s'appesantissant sur les préfaces et postfaces très intéressantes de l'auteur ou sur le contenu même du livre. Comme je ne dispose pas d'un temps de parole infini, et que votre patience éprouve sans doute ses limites, entrons directement dans le vif du sujet.

En premier lieu, ce n'est pas l'intrigue ou l'inventivité de ce roman qui charme le lecteur, mais son ambiance ; à la fois sombre et onirique, elle embaume les pages d'un parfum surrané, digne des atmosphères glauques d'un Lovecraft sans atteindre son niveau, loin s'en faut. Ainsi, le lecteur s'échoue sur l'ïle au dragon, un continent qui tombe en décrépitude, promis tout comme son peuple à une lente déchéance. Les traditions puis la découverte de leur gloire passées ourdissent ce monde et achèvent de nous emprisonner dans ses rets. Quand nous plongeons au sein de cet univers, ce sont milles souvenirs, milles coutumes pour le moins atypiques qui nous poursuivent ; sans verser dans la pure originale, l'auteur parvient à créer une nation intrigante qui, derrière sa force de caractère, souffre de son outrancière agonie. Car les habitants de cette île n'acceptent pas leur destiné, ils refusent de voir leur ascendance ensevelie sous les décombres du passé et font reposer tous leurs espoirs sur l'Empereur : Elric.

Ce personnage, lui aussi , incarne une emblème de la Fantasy. Par maints aspects, il se rapprochent des héros de jadis, que l'on peut rencontrer dans les épopées grecques ou raciniennes. Tout au long du roman, on s'attache à ses particularités physiques, coulant en lui l'acier de la différence, et à ses paradoxes. Bien que roi, Elric se torture l'esprit avec des raisonnements, des réflexions sur son espèce et lui-même. Né albinos, il s'interroge sur sa légitimité à gouverner Melniboné, au point de douter de ses propres capacités. Réfléchi et désespéré, idéaliste et violent, l'auteur nous peint un portrait tout en force et en subtilité. Par son biais, il abordera des sujets proches de métaphysique : le destin, la mort, l'illusion de la liberté… autant de thèmes qui prêtent à la réflexion, pour notre plus grande joie !

Au deça de toutes ses qualités, ce roman endosse aussi une cape de défauts, qui ne peuvent être contrebalancés par la richesse du livre. Par richesse, je n'entends pas l'éventail du vocabulaire, tout à fait abordable, mais l'ambivalence des lieux, des personnages et des situations. L'écrivain se renouvelle constamment au cours de son récit, de manière à mener le lecteur sur plusieurs plans, sur divers scénarios. Cette initiative ô combien louable intercèdera en faveur du livre, sans toutefois pallier ses manques. Le style, par exemple, incarnera l'une des faiblesses du roman : nul ampoule, nulle phrase complexe ou volontairement fouillée. L'auteur reste souvent en apparence et ne se perd pas dans un style pointu, même si on pourrait reprocher là les défauts de traduction, dont dépendent toujours les romans étrangers.

Autre bémol : l'originalité. L'auteur dote son monde de multiples nuances, lui insuffle quelques bonnes idées, mais la trame scénaristique reste globalement commune : un Empereur dont le trône est lorgné par les parents, contraint de pactiser avec les démons pour sauver sa promise et son empire… Ces thèmes ne seront pas sans nous rappeler milles autres productions. A cela s'ajoute certaines longueurs ou maladresses dans la poursuite de l'aventure ; on peut l'expliquer par le découpage des chapitres, qui n'étaient pas promis à former un livre, à l'origine, mais le roman ne nous phagocytera pas l'esprit, assurément.

En bref et en concis, voici un livre qui apporte un certain renouveau à la Fantasy. Que ça soit grâce à son héros charismatique ou à son ambiance, Elric des Dragons est une valeur sûre, bien qu'assez fluctuante selon les chapitres. Ainsi, sans être un parangon de virtuosité, le roman reste très correct et abordable, et je ne peux que vous conseiller sa lecture, au moins pour plonger dans cet univers si particulier.

 

Note finale : 6,5/10

Sahagiel