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Le Codex de Merlin

 

CeltikaAuteur : Robert Holdstock (voir sa biographie)

Genre : Fantasy

Titre : Celtika

Résumé du premier tome :

Des siècles avant sa rencontre avec Arthur, Merlin voyage à travers le monde, immortel et éternellement
jeune, à la recherche du savoir. Il se lie d'amitié avec le héros grec Jason et l'accompagne dans sa quête de la Toison d'or. Une décision qui lui coûtera cher... Quelques centaines d'années plus tard, Merlin entend parler d'un navire perdu dans un lac gelé du Nord et d'où jaillit une longue plainte. Il découvre qu'il s'agit de l'Argo, le vaisseau de Jason, où gît l'âme du héros pleurant ses fils volés par l'enchanteresse Médée. Merlin décide de retrouver les fils de Jason. C'est ainsi qu'il aborde pour la première fois l'île qui deviendra l'Angleterre. Un roman mêlant la mythologie grecque et l'univers médiéval fantastique, où le célèbre Merlin traverse les siècles et les légendes.

Critique personnelle du cycle :

Le plus remarquable dans ce roman demeure l'ambiance, une immersion dans l'univers de l'auteur, nourrie par les descriptions, le prosélytisme des personnages et l'exotisme, surtout. En pénétrant dans ce monde, on aurait pu craindre un côté revu, avec la mise en avant de Merlin, mais Robert Holdstock se tourne en virtuose pour nous narrer son récit. Que ce soit à travers les lieux, d'Albe l'île aux Fantômes aux abords du lac, en passant par les contrées marécageuses ou la Grèce ; propulsé parmi les protagonistes, qui nous décrivent leurs moeurs et coutumes ; ou sur un plan purement innovateur, quand l'écrivain étaye sa fibre artistique, nous sommes plongés dans l'inconnu.

Ah, les épopées propres à l'heroïc, avec leur contexte archaïque et leurs univers fangieux, où les complexes féodaux, la mendicité, l'efflorescence sanguine trouvent leur détente, paraissent bien lointaines ! La fraîcheur du récit favorise l'exacerbation du plaisir ; les contrastes émaillés dans le roman puis l'inversion de la conjoncture, quand l'auteur nous propose plus un conte qu'une énième aventure cosmique, renforcent l'intuitivité de Celtika. Passés les premiers chapitres, on demeure piégé par l'auteur, comme s'il refermait ses rets sur nous, étouffé notre désir de voir ailleurs pour mener son intrigue d'une main de maître. On sent le travail, on perçoit les fragrances du talent, en bref : on touche à un chef-d'oeuvr. Oserai-je dire au le paroxysme de l'imagination ? Non que toutes les idées soient novatrices, mais après lecture il reste une sensation agréable, celle d'avoir effleuré l'univers de l'écrivain puis de s'être immergé, l'espace de quelques heures ou quelques jours, dans sa bulle. Le vocabulaire, les légendes, le concept, les peuplades, cet ensemble hétéroclite crée une base cohérente tandis que les multiples ajouts, eux, finiront d'ourdir son charme.

Prenons un exemple concret, sans doute le plus évocateur, afin que vous mesuriez l'inventivité ; partant d'une idée pourtant revue, celle de confronter deux personnages historiques, Robert Holdstock parvient à filer son récit : en mêlant les héros grecs, et notamment Jason (rien de moins !) aux figures celtes, j'ai nommé Merlin, nous obtenons la quintessence du renouvellement. L'auteur ne se contente pas d'intriquer leurs histoires, il développe les protagonistes sous un autre angle, en axant sa réflexion sur d'autres facettes de leurs personnalités. Fini le sage Merlin, tapi dans sa tour à proférer des enchantements, fini le vieil homme qui prodiguait avec justesse ses conseils : nous découvrons un homme au fait de sa force, plein de vigeur et d'espiéglerie, qui renâcle à utiliser ses pouvoirs par crainte de perdre sa jeunesse, et ce même quand il s'agira de sauver ses compagnons !

Autour de lui orbite une pléthore de protagonistes, tous intéressants, tous intriguants : ils se lient par intérêts puis leurs destins se croisent et se scindent, certains s'avérant aussitôt attachants, alors que d'autres nous apparaissent antipathiques ; et pourtant, pourtant, nous serions presque tentés de les aider, tant il demeure, parmi ce creuset d'émotions humaines, une once d'intérêt.

Quelles autres qualités pourrions nous trouver à ce livre qui se hisse déjà, à mon humble avis, parmis les incontournables de la littérature fantasy ? Le scénario, bien sûr. Point d'enjeux cosmiques ou d'artefacts à détruire, point de quêtes initiatiques ou de parcours linéaire. Au départ, la seule volonté de sauver un ancien compagnon, puis celle de retrouver les êtres aimés, trop tôt disparus dans les sbires du passé. A cela s'ajoute une kyrielle d'intrigues, dont on suit les méandres tout au long du roman, sans jamais nous égarer tant la cohérence domine : le passé de Merlin, le devoir de vengence, la compréhension de la volonté divine, nous flairons chaque piste avec un luxe d'impatience, d'autant que les révélations se tairent malicieusement.

Encore des qualités ? Le style de l'auteur, bien entendu. Basée à la première personne, plus exactement sous l'égide de Merlin, la plume se dote d'un soupçon de charme, d'une pincée d'audace et d'une incontestable maîtrise. Robert Holdstock manie la langue avec une habilité certaine, et nous nous y adaptons en un tour de main.

Mais alors où se situent les défauts, me direz-vous ? Eh bien, pour ma part, je n'en discerne pas (et c'est bien la première fois que ça m'arrive !). Il est possible que je manque à cet égard d'objectivité. Mais que voulez-vous, ce roman m'a charmé de bout en bout, or je ne saurai définir les écueils auxquels il se heurte. Bien sûr, nous n'obtenons pas un récit parfait mais malgré mes efforts je ne saurai en nommer les faiblesses. Peut-être la difficulté, selon le type de lecteur, à adhérer au roman ? Mais est-ce vraiment un défaut, quand une fois surmontés les premiers chapitres, qui proposent les explications charnières, l'intrigue s'affirme, se renforce et nous transporte ? Vous l'aurez compris, je vous conseille vivement cette lecture unique en son genre...

 

Note finale : 8,5/10

Sahagiel