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La Belgariade

 

Le pion blanc des présages Titre : Le Pion blanc des présages

Auteur : David et Leigh Eddings (voir leur biographie)

Genre : Fantasy

Résumé du premier tome :

Ils sont sept, sept dieux frères et soeurs, ayant chacun choisi un peuple. Mais l'un, Torak, plus ambitieux que les autres, vola l'Orbe d'Aldur et déchira le monde à jamais.
L'Orbe se vengea et lui brûla la moitié du visage, et tandis que le dieu dormait dans sa forteresse de Cthol Mishrak, la Cité de la Nuit, Belgarath le Sorcier, Cherek roi d'Alorie et ses fils, Dras, Algar et Riva récupérèrent l'Orbe. Pour la garder en sécurité, l'Alorie fut coupée en trois royaumes, tandis que Riva construisit une forteresse sur l'île de Riva, où sa descendance aurait pour tâche de veiller sur la pierre.
Mais les Ténèbres frappèrent au coeur de l'île, en assassinant toute la famille. Un seul y survécut.
Les siècles ont eu beau passé, les livres des présages restent formels : Torak va s'éveiller. Et l'Orbe a de nouveau disparu.

Titre des romans composants le cycle:

1- Le Pion blanc des présages
2- La reine des sortilèges
3- Le gambit du magicien
4- La tour des maléfices
5- La fin de partie de l'enchanteur

Critique personnelle du cycle :

Quand on parle de David Eddings, on pense certes à ses romans, mais avant tout à sa femme et co-auteur, Leigh Eddings, à qui on doit les décors, les personnages féminins et les chutes incisives des romans. Ceci dit, concentrons-nous sur l'ouvrage au centre de la critique : la Belgariade, cycle composé de cinq tomes dont vous retrouverez les titres au dessus. Cette épopée rencontre un véritable succès à partir des années 1982, à tel point que certains le considèrent digne d'un Jordan ou, plus audacieux, d'un Tolkien. Alors, nouvelle tromperie du grand public ? Nouvelles affabulations ? Enième roman inspiré du Silmarillion ?

Quel plaisir de plonger dans le vaste univers des auteurs, de s'immerger totalement dans leur monde si frais et agréable. Leurs plumes entraînent en effet le lecteur dans un monde pittoresque par bien des aspects : une atmosphère moyenâgeuse au parfum capiteux, étoffée par des villages folkloriques dont on découvre peu à peu les traditions, l'organisation politique, les modes de vies, les normes et valeurs sociales ; autant d'informations amenant à la création d'un monde crédible.
Souvent dénommée comme une œuvre légère, la Belgariade expose tout son panache pour désavouer les critiques, or qui oserait contredire les talentueux Eddings ? Car le don incontestable des auteurs repose sur leur capacité à inventer des peuples. Quand bien même pénètre-t-on à tâtons dans leur univers, presque avec appréhension, on finit par apprécier ces peuplades spécifiques. L'auteur sait produire des coutumes, des manières d'agir et de penser, des façons d'appréhender l'existence comme nous le démontre la profondeur de certains personnages qui, derrière leur cadre stéréotypé, développent une complexité intéressante, visible chez Mandorallen, très pédagogue quand il le souhaite...
La présence omniprésente de ce monde, avec ses enjeux politiques, ses rois ou chefs tribaux, ses systèmes monétaires, ses dogmes, confère un charme suranné aux livres, une sorte d'ambiance qui nous empêche de reposer les romans avant le dénouement. Cet intérêt prolongé se pâme par endroit pour céder la place aux longueurs, mais aussitôt, l'écriture fourmillante d'Eddings renverse la tendance. On ne le répétera jamais assez : l'approche très humaine de l'auteur, vis-à-vis de personnages, demeure, selon moi, le principal atout du cycle, pourtant grossi par un fond bien démarqué et un style agréable.

Les personnages, voici le second pilier du roman. Créer un univers crédible, avec des races indépendantes, est une chose, mais y faire évoluer des protagonistes attachants en est une autre. Pari réussi ? A merveille ! Le cycle cale bien les choses avec un mascaret de personnages, une kyrielle de Dieux, mais surtout des héros très attachants. A leurs côté, le récit s'emballe, gagne en intensité, devient réellement piquant. L'attention du lecteur s'en voit sans cesse mobilisée : on change d'enjeux, on invite de nouveaux personnages à se joindre à la troupe, on entre en possession de nouveaux éléments, aussi ces balades spatiales instaurent-elles une instabilité constante.
On retrouve dans cette série tous les ingrédients propres à la fantasy occidentale, les personnages façonnés sur des stéréotypes en étant le plus parfait exemple. Des héros d'ailleurs tellement sympathiques qu'ils laissent un souvenir impérissable à notre mémoire... tout comme les répliques devenues cultes, grâce aux apports constants de notre ami Silk si...Drasnien !
Vous l'aurez compris, le couple Eddings se dote d'un style solide, même s'il n'atteint pas le niveau d'un Tolkien, mais n'est-ce pas voulu ?, dont l'écriture fluide nous transporte avec humour et simplicité.

Toutefois, occulter les défauts de l'œuvre serait osé, car la qualité du cycle ne suffit à rendre cette épopée exempte de maladresses.

Premier défaut : les longueurs. Si Eddings se heurte parfois à des tours de passe-passe, on peut louer sa volonté de relancer chaque fois l'intrigue, pour maintenir l'attention du lecteur jusqu'au bout. Malgré cela, les longueurs conduisent le récit. Les héros se déplacent ainsi d'un point à l'autre de la carte, dans un parcours assez linéaire, et semblent condamnés à passer par chaque pays avant de boucler leur aventure. Leurs choix tendent ainsi vers les incohérences, notamment quand la troupe s'aventure aux confins de la jungle nysienne alors que d'autres itinéraires, plus adaptés vu la censée imminence de la catastrophe, auraient été plus astucieux. On sait que le cycle de la Belgariade, construit originellement comme une trilogie, s'enrichit de deux autres tomes, aussi pourrait-on reprocher aux auteurs cette volonté d'allonger le texte.
D'autres incohérences, relatives cette fois aux personnages, sautent aux yeux lors de la lecture : Garion, le héros, suit lui aussi un parcours quelque peu providentiel. En effet, le jeune garçon se rend toujours au bon endroit, au bon moment ; résout une grande part des énigmes « comme par magie » et, surtout, paraît apte à affronter tous les adversaires, quand bien même ceux-ci exercent la magie depuis des siècles.
Enfin, on ne saurait passer outre les références à Tolkien, David Eddings avouant avoir relu les livres avant d'entamer son récit. Certaines affiliations au Silmarillion hérisseront les lecteurs, cependant, le récit se détache peu à peu du maître, un gage de qualité en cette époque d'explosion du fantastique.

En résumé, une lecture agréable, saupoudrée d'humour et nappée d'un grain de virtuosité. La teneur des personnages ravira les plus jeunes tandis que la plume adroite des auteurs sera appréciée des experts. Ainsi, malgré ses longueurs et ses défauts, on classe le cycle parmi les classiques, rang qu'il mérite amplement, comparé à d'autres...

Enjoy !

Note finale : 8/10

Sahagiel