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Assassin Royal

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Assassin Royal Titre : L'Apprenti Assassin

Auteur : Robin Hobb (voir sa biographie)

Genre : Fantasy

Résumé du premier tome :

Au royaume des Six-Duchés, le prince Chevalerie, de la famille régnante des Loinvoyant - par tradition, le nom des seigneurs doit modeler leur caractère - décide de renoncer à son ambition de devenir roi-servant en apprenant l'existence de Fitz, son fils illégitime.
Le jeune bâtard grandit à Castelcerf, sous l'égide du maître d'écurie Burrich. Mais le roi Subtil impose bientôt que Fitz reçoive, malgré sa condition, une éducation princière. L'enfant découvrira vite que le véritable dessein du monarque est autre : faire de lui un assassin royal.
Et tandis que les attaques des pirates rouges mettent en péril la contrée, Fitz va constater à chaque instant que sa vie ne tient qu'à un fil : celui de sa lame.

 

Critique personnelle du tome 1:

En toute franchise, j'avais lu ce cyle il y a bien longtemps, certes en gardant un agréable souvenir de cette découverte, mais sans m'y appesantir. Néanmoins, à la suite d'un commentaire portant sur l'ensemble des œuvres de Robin Hobb, j'ai décidé de replonger dans cette lecture, avec une curiosité non feinte. Car si l'enfance nous masque les maladresses ou lourdeurs, l'œil adulte les interprète comme autant de nuisances. Allais-je à nouveau fondre sous la chaleur de ce roman ? Ou me cuirasser de glace pour demeurer indifférent ?

La magie opère, dès les premiers mots, dès les premières lignes. Je m'interroge d'ailleurs sur la manière de décrire, sans tomber dans le dithyrambe, le souffle du roman… Quand on entame l'Apprenti Assassin, on ne sait pas réellement à quoi s'attendre ; la quatrième de couverture annonce une quête initiatique, le titre une aventure épique, la plume de Fitz, derrière laquelle se cache l'auteur, un lyrisme mêlé de mélancolie, mais où nous entraîne Robin Hobb ? En réalité, partout à la fois. Comme si l'auteur essaimait son talent, elle nous propose de découvrir les multiples éclats d'un même miroir et nous dépeint l'histoire prenante des Six Duchés. On ne ressort pas indemne de ce monde aux marges de l'onirisme, car ses personnages accaparent notre attention puis ne la relâchent pas, nous enjoignant à les suivre tout au long de leurs voyages.

Le grand talent de l'écrivain, sans nul doute, est de produire des façons d'agir, de penser, des caractères et des psychologies. Ses créations se tireraient presque de leur carcan pour mener une vie commune, tant ils semblent être les réceptacles aux émotions humaines. Loin de se façonner entièrement sur des poncifs, ils parviennent à surprendre, à s'étoffer, à construire sur des bases saines leur personnalité. Ainsi, la vraisemblance de leurs réactions, tantôt provoquées par la colère, l'amour, la dérision ou le désespoir, pallie le manque d'action. Autant vous prévenir, les lecteurs à la recherche d'un substitut de Gemmel, friands de batailles et d'efflorescence sanguine, passeront leur chemin. Mais les autres, qui saisissent que la Fantasy ne se réduit pas à son côté homérique mais effleure de multiples aspects, apprécieront ce roman. Certes, vous n'y trouverez nul elfe, nul artefact capable d'assombrir le monde, nulle puissance occulte venue asservir les peuples, juste un récit talentueux, n'ayant pas besoin de fioritures pour exposer sa beauté.

Ce monde rayonne de page en page, et son patrimoine transpirant d'inventivité vous éblouira ; que dire de la cosmogonie, intéressante, unique et bien pensée ? De l'organisation géopolitique, sans cesse remise sur le devant de la scène ? De l'intrigue construite dans ses moindres détails, émiettant assez de questions pour alimenter notre curiosité ? Des enjeux éclatés, disparates et pourtant liés avec une logique imparable ? Dans ce roman fleuri par les retournements de situations, le lecteur sera donc en éveil d'une piste à suivre, d'un indice à s'approprier. Bien entendu, certains chapitres se positionneront en explications charnières, passages obligés pour entériner un monde, néanmoins la présence des longueurs ne peut être évitée. Certes, Robin Hobb inclut ses descriptions sous formes de dialogues ou d'épreuves à surmonter pour le héros, une initiative qui allègera ces phases ; et à vrai dire, elles permettent elles aussi, à leur façon, de tisser la toile de cet univers.

Rien n'est escamoté, rien n'est oublié par le narrateur Fitz, anti-héros de ce cycle. Lui-même structure ce récit, l'émaillant de détails foisonnants, et nous proposant un aperçu de sa vie à la cour, contraint par son rang à devenir l'assassin du roi. Sa personnalité complexe, sans cesse en évolution, est une gemme ôtée de sa sertissure : il nous transporte puis nous investit de la mission de le suivre. Et on s'y prête avec plaisir !

Le style efficace de l'auteur, là encore très humain, fera ainsi taire la voix critique de notre esprit, cette même voix qui nous souligne le vocabulaire trop souvent basique. Mais étonnamment, cela ne nuit pas à la lecture et permet de nous attacher d'autant plus à la pléthore des personnages. Entre le charisme de Vérité et Subtil, l'excentricité de Patience, le mystère du Fou et la fourberie de Royal, on est comblé, profondément. D'ailleurs, vous noterez à cette occasion un autre trait de génie de la part de l'auteur : attribuer à chaque personnage un nom, reflet de sa personnalité ou de ses aspirations ; le tout sans provoquer de dissonances !

En résumé, on referme le livre sur une impression solide. Quand bien même certains schémas sont récurrents au genre, comme celui du jeune orphelin éduqué par un vieil homme, cela n'entache pas la qualité de ce cycle. Les ouvertures pratiquées par le Vif, par exemple, sauront être exploitées tout au long des tomes. Pas un élément ne se voit ainsi délaissé au profit d'un autre. A un moment ou à un autre, chaque personnage aura le droit à son quart d'heure de gloire, et c'est à cela, aussi, qu'on reconnaît une œuvre majeure.

 

Note finale : 8,5/10

Sahagiel

 

 

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Assassin Royal Titre : L'Assassin du Roi

Commentaire sur la couverture : une nouvelle fois, pygmalion, derrière le talent de Michael Whelan , réalise une magnifique illustration, qu'il serait bon de saluer. Personnellement, je la trouve particulièrement belle !

Résumé du second tome :

Les pirates rouges sèment la mort et la désolation dans les Six-Duchés. Le royaume est affaibli et ne dispose que de peu de ressources pour les combattre. Le roi est seul, entouré d'une cour qui intrigue, d'une armée qui doute et… d'un assassin royal. Fitz, le bâtard princier, est devenu une arme redoutable et redoutée. Il maîtrise le Vif - la faculté de communiquer avec les animaux - et devient expert dans l'Art. Guerrier accompli, rompu à toutes les façons de tuer, il personnifie autant la justice du roi qu'il est le chevalier servant du prince Vérité. Mais il est aussi un obstacle pour le prince Royal qui veut accéder au trône, et nombreux sont ceux qui souhaitent sa mort.

Critique personnelle du tome 2 :

Nous abandonnions Fitz aux affres de l'inconscience, plongé dans le doux sommeil du poison, oscillant entre la vie et la mort. Nous le retrouvons maintenant affaibli, éconduit par ses blessures à demeurer dans le royaume des Montagnes alors même que les complots font rages au sein des Six-Duchés. Pourtant, ses obligations auprès du roi Subtil nécessitent son rétablissement et le jeune héros devra retourner à Castelcerf, en dépit de son aversion pour Royal.

La psychologie de Fitz se tourne en véritable source d'informations, dans ce tome en particulier. Jamais auparavant il n'avait à ce point évolué, gagné en profondeur et en humanité. Nous découvrons ici un homme pris de doutes, déchiré entre son devoir, son désir… et l'amour qui le brûle comme un feu liquide. Néanmoins, Robin Hobb ne nous démontre pas ses conflits intérieurs sans intelligence : le récit ne s'amincit pas à la contemplation introspective de Fitz, à la découverte éperdue de ses déchirures, non, nous endurons ses pérégrinations et pénétrons sa psychologie à un niveau plus élevé. Il devient dès lors difficile de ne pas s'attacher au personnage, tant sur le fond que sur la forme. Bien entendu, la narration à la première personne entérine cette estime mais les choix du héros parlent pour lui. Sa volonté de survivre aux querelles intestines et son appétence à sauver les Six-Duchés lui confèrent ainsi dignité, prestance et charisme. Fini le gavroche esseulé au milieu des nobles : l'écueil de son rang se dresse maintenant avec finesse, levant peu à peu le voile sur ses desseins.

Fitz n'aspire pas au pouvoir, ce qui n'empêche les politiciens de refermer leurs mains de glace sur lui. Ses ennemis, tantôt déclarés, tantôt plus pernicieux, organisent leur partie ; Royal essaime ses pions, examine ses cartes, mais n'abat pas son jeu tout de suite. Avec Fitz, les intrigues de la cours nous saisissent tout entier, les complots, les évènements retorses et les manigances politiques se font légions, toujours sous couvert de diplomatie. Car enfermées dans l'étau de Castelcerf, les délations ne s'expriment pas ouvertement et c'est à travers les commérages ou les rencontres infortunes que Fitz en prendra conscience. Autour de lui gravitent ainsi les autres personnages, certain remisé pour le moment, comme c'est le cas d'Umbre, bien moins présent dans ce tome, et d'autres prennant pieds aux côtés de Fitz, tel Vérité ou Kettricken qui abandonne son rôle de promise énamourée pour endosser celui de Reine.

Si les enjeux politiques sont bien plus développés dans ce tome, ce n'est pas au détriment de l'action ; certes moins soutenue que dans le précédent volume, elle nous offrira quelques remarquables chapitres. Quand bien même le mystère des Forgisés demeure intact, à l'exception de quelques concessions faites par l'auteur, le souffle du roman ne dément pas. La plume de l'auteur glisse sur le papier jusqu'à imbiber l'ensemble d'une âme propre, d'une véritable aura. Tandis que les méandres empruntés par le scénario apprêtent notre curiosité, l'esprit du cycle gagne en tonicité . L'addiction à laquelle le lecteur est soumis structure ainsi son intérêt ; intérêt que même les atermoiements ne sauront éluder. On savoure, tout simplement.

La richesse du monde n'est quant à elle pas mise de côté. On en apprend toujours plus sur cet univers, sans réellement connaître ses frontières ou ses limites temporelles. Si l'histoire n'est en effet jamais datée, les indices ne manquent pas, permettant au lecteur de reconstituer les légendes dont se gargarisent les Six-Duchés. De la même manière, l'Art et en particulier le Vif s'approfondissent ; on en apprend plus à leur sujet puis l'apparition d'Oeil-de-nuit, personnage ô combien piquant, tisse cette toile cosmogonique.

Une nouvelle fois, Robin Hobb surprend par sa fine connaissance de la psychologie humaine. Elle mène son intrigue d'une main de maître et parvient avec brio à instiller du suspense dans son récit, alternant descriptions, dialogues, révélations et énigmes. Elle traduit en détails les relations inter-protagonistes et achève dans un éclat ce tome charnière. Au plaisir de lire la suite !

 

Note finale : 8/10

Sahagiel

 

 

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Assassin Royal Titre : La Nef du Crépuscule

Résumé du troisième tome :

Ravagé, pillé, le royaume des Six-Duchés plie sous le joug de l'envahisseur. Les navires de guerre ne parviennent plus à tenir les Pirates Rouges en respect. Dans le pays, les dissensions éclatent entre les duchés côtiers, qui doivent supporter les incessantes attaques de l'ennemi, et les duchés intérieurs qui se désintéressent de leur sort. La cour elle-même, où le vieux souverain est manipulé par Royal, n'est plus qu'un théâtre d'intrigues où règnent en maîtres le soupçon, la traîtrise et le mensonge. Aussi le prince Vérité décide-t-il d'entreprendre une quête insensée : aller trouver les anciens, par-delà les montagnes, pour leur rappeler leur serment de venir en aide au royaume dans ses heures les plus sombres…

Critique personnelle du tome 3 :

L'Assassin du roi, tome charnière permettant de formaliser le récit, m'avait surtout marqué par ses atermoiements, il fallait alors agencer l'intrigue, disposer les enjeux de manière réfléchie tout en piquant la curiosité du lecteur. Cette méthode fonctionnait à merveille : avec les approfondissements effectués sur le Vif, l'évolution des personnages, subtiles parfums qui dévoilent peu à peu leurs arômes, et l'ancrage du scénario, on ne pouvait que ronger son frein en attendant la Nef du Crépuscule ! Mais tenait-il toutes ses promesses ?

Dès le premier chapitre, le ton du tome se révélait : il se filerait sous les aiguilles de l'action, ourlé puis exposé par le fil d'une lame. Comme un contrecoup au précédent volume, Robin Hobb place cette fois son personnage au cœur des affrontements, tantôt fracassé sur la vergue des Pirates rouges, tantôt malmené par les conspirations de la cour. Manigances, pots-de-vin, stratagèmes retors et complots, les pages boutent le feu d'un aspect excitant de la politique. A travers les introspections de Fitz, c'est toute la saveur des trahisons que nous goûtons là ; avis aux papilles gustatives, le gratin de la société s'annonce riche en épices (pardonnez moi ce jeu de mot) !

Et en effet, les alliances puis revirements successifs n'abandonnent pas un instant de répis aux personnages. Aux antipodes du positivisme, la Nef du Crépuscule dépeint une tableau morose de la société, vision d'un monde où le gris prédomine. Bien que nous n'apprenions rien de concret sur les forgisés, la menace des Pirates rouges, rappel constant de l'étiolement des Six-Duchés, fournit quantité de grains à moudre au moulin des intrigues ; d'une part, nous étendons le champ des possibilités, avec la révélation de plusieurs énigmes, et d'autre part nous restons sur notre faim, lecteur attifé d'une cape de mystères. La pression croît de plus en plus tandis que la fin se profile. Mais où s'achèvera le dévouement de Fitz, aussi pensé et adroit soit-il ? Les ultimes pages atteintes, on aimerait s'arroger le droit de vivre le récit, tant la plume de l'auteure distille efficacement suspense, rythme et tension !

Une fois harangués les sentiments de désespoir, de peine, de joie ou d'exultation, il ne demeure qu'une chose : l'envie de connaître la suite, de poursuivre la lecture. A n'en pas douter, Robin Hobb réalise ici un coup de maître pour tenir ainsi son lectorat. Car dans ce tome, tous les éléments fondateurs de la série renaissent, le lecteur en faisant presque bombance. Alors ajoutez à cela une dose de personnages humains –mention spéciale à Fitz, qui signe son retour dans un face à face avec Royal ; à Patience, décidément pleine de ressources ;ou encore à Molly, qui dénie son côté énamouré pour gagner en profondeur- une pincée d'amour, bien loin des scènes dégoulinantes de sentiments, rassurez-vous, et une cuillérée d'audace, car il fallait bien du courage à Vérité pour mener son entreprise, et nous obtenons un cocktail délicieux à tout regard, mis à part quelques longueurs inévitables pour la tenue du récit.

Robin Hobb s'épanche à nouveau sur le royaume des Six-Duchés, pour notre plus grande joie. Devant l'intelligence de son roman, eu égard un style certes talentueux mais loin de sa quintessence, on ne peut que piaffer d'impatience ! Seul petit bémol : on peut reprocher à l'auteur de ne pas avoir plus étayé son monde ; elle disposait en effet de plus de mille pages pour instaurer son univers, mais en réalité, que connaissons-nous de lui ? Nombre de coutumes, de croyances et de traditions mériteraient un petit délaiement, et je fais confiance à Robin Hobb pour s'y atteler dans les prochains tomes. Bien sûr, les férus d'héroïc pure et dure ne combleront peut-être pas leurs attentes, mais aux autres, je ne peux conseiller qu'une chose : lisez-le sans hésitation, cette première trilogie s'achève en apothéose.

 

Note finale : 9/10

Sahagiel

 

 

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Assassin Royal Titre : Le poison de la vengeance

Résumé du quatrième tome :

Fitz n'est pas mort, mais pour beaucoup il l'est. Même pour lui, il est mort un peu. Son esprit a pris tant de plaisir à être un loup dans un corps de loup avec son ami Œil-de-Nuit, que Fitz n'est plus totalement un homme sans pouvoir être loup. Est-ce là le danger du Vif ?

Fitz décide de couper toutes ses attaches, et son esprit se tend vers un seul projet : tuer celui qui a tué son roi, Royal ! Mais Fitz n'est peut-être pas assez prudent… Saura-t-il survivre une fois encore ?

Critique personnelle du tome 4 :

Après une première trilogie de haute volée, voici venu le quatrième tome, attendu aussi bien pour les fourches de son intrigue que les approfondissements dont il fait bombance. Eh bien, chers amis, plongez avec moi dans l'Assassin Royal pour découvrir un royaume plein de surprises et de douleurs…

Dans la première partie du cycle, on pouvait s'achopper au manque de renseignements sur le monde, tels sa typographie, ses climats et toutes ses particularités géographiques. En réalité, nous ne connaissions rien de cet univers hormis Castelcerf. Mais pour ce quatrième tome, selon le découpage de Pygmalion, les événements s'accélèrent ; en effet, Fitz quitte le carcan de Cerf pour voyager à travers les Six-Duchés. D'abord anecdotiques, les renseignements que nous glanons se font de plus en plus précis et nous permettent de mieux cerner ce monde, avec ses différentes cultures, ses façons d'être et de penser, ses contraintes climatiques, territoriales ou frontalières : en bref, Robin Hobb étaye son monde. Même si des questions demeurent à son sujet, les approfondissements dont nous disposons dans ce livre repaîtront le plus avide des lecteurs ! Outre les lieux, nous profitons également d'explications sur le Vif, mis en avant dans la première partie du tome. A l'aide de nouveaux protagonistes, nous découvrons une sphère annexe aux habitants, disposant de sa société, ses relations et son propre mode de fonctionnement. Si la magie des bêtes demeurait assez absconse, ces entretiens puis la présence plus marquée d'œil-de-nuit nous offre de multiples réponses, tout en gardant sa part de mystères.

Cette chape de brume, d'ailleurs, se file jusqu'à l'intrigue : en réalité, nous n'avançons pas réellement dans ce tome. Bien sûr, les pérégrinations de Fitz se teinteront de gris quand il sera harcelé par ses opposants, mais sa quête se tourne en obsession personnelle et il abandonnera ses amis pour l'assouvir. Le ton est donné : le poison de la vengeance ruisselle dans ses veines, gangrène peu à peu ses membres… Plus classique, cette quête n'en reste pas moins intéressante, car nous mesurons mieux les changements opérés par Royal depuis son intronisation. A la manière de Fitz, nous nous lions à divers personnages pour leur soutirer les rumeurs, les bribes de conversation qui nous indiqueront la voie à suivre ; plus qu'initiatique, ce but forme le corps meurtri de Fitz : il devra, avant de se confronter à Royal, retrouver sa confiance, rebâtir son esprit déchiré par les doutes et les peurs. Ce héros torturé dévoile de nouvelles facettes de sa personnalité, se complexifie et éprouve des sentiments toujours aussi humains malgré les exactions dont il est capable. Jouant parfois de chance, ses péripéties gardent ainsi un côté cohérent où on ne se s'accointe pas à un héros typique de l'héroic, sans peur ni compassion. Au contraire, la ramification de sa personnalité s'étend de plus en plus.

D'autre part, les jalons disposés au cours des tomes s'échelonnent plus sporadiquement : le mystère des forgisés, par exemple, s'avère toujours aussi inextricable, or l'absence de découvertes pourrait frustrer certains lecteurs. Dans la même optique, les Pirates Rouges sont moins présents dans les esprits, ce qui peut s'expliquer par l'indifférence des duchés intérieurs ; ainsi, les chapitres dédiés aux attaques se filent sous une forme particulière, ne mettant pas en avant Fitz mais des personnages secondaires que nous retrouvons avec joie. A ce titre, on pourrait regretter l'effacement des protagonistes principaux : le cercle de ses connaissances se délite, et nous n'obtenons que de minimes informations à leur sujet : Patience, Brodette, Molly, Burrich, Umbre, Kettricken ou le Fou n'apparaissent presque pas, voire pas du tout, dans ce tome, au profit de nouveaux personnages telle Astérie la ménestrel, ma foi intéressante.

Une nouvelle fois, Robin Hobb fait montre de son talent pour nous impressionner, avec toujours une recherche du détail qui réhausse le tout. Un très bon roman, à acheter ou emprunter sans hésitation !

 

Note finale : 8/10

Sahagiel

 

 

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Assassin Royal Titre : La voie magique

Résumé du cinquième tome :

Le roi Vérité est vivant ! Il a imposé une ultime mission à Fitz : “Rejoins-moi ! Loin sur les sentiers mystérieux de l'Art, au-delà du royaume des montagnes, le jeune homme se met en quête pour répondre à l'appel de son souverain affaibli. Mais il reste seul, pourchassé par les forces de Royal, l'usurpateur, et sans possibilité de compter sur ses propres alliés, qui le manipulent comme un simple pion. Or d'autres forces sont en marche… Dans son périple, Fitz va en effet se voir révéler son véritable statut : c'est par lui que s'accomplira, ou sera réduit à néant, le destin du royaume des Six-Duchés, et c'est là une charge bien lourde à porter quand on est traqué par ses ennemis, trahi par ses proches, et affaibli par la magie…

Critique personnelle du tome 5 :

Sans interludes ni trompettes, attaquons nous à ce cinquième volume, porteur de bien des espérances !

Dans cet avant dernier volume, Fitz poursuit sa quête de Vérité, mêlant à ses recherches l'apprentissage du monde. Comme dans son prédécesseur, le scénario devient plus commun, sans être dénué d'intérêts. Malheureusement, on ne perçoit plus le parfum suranné des premiers romans qui nous plongeaient avec une facilité déconcertante dans l'univers de Castelcerf. Car l'intrigue se fait plus épique, moins conceptuelle à mesure que la fin se profile. Bien entendu, les qualités du cycle ne se tarissent pas, nous offrant même quelques superbes chapitres, néanmoins on tend vers une triptyque plus anodine : le héros pourchassé, la prophétie sur le point de s'accomplir et un royaume à sauver des griffes de l'usurpateur.

Comme nous pouvions nous y attendre, les personnages constituent la grande force du roman, aussi bien dans leurs relations que leurs caractères et leur spontanéité. Si le précédent roman soulignait un Fitz esseulé, oublié ou maudit par ses anciens compagnons, La Voie Magique reconstitue sa communauté. Nous retrouvons ainsi plusieurs personnages, pas des moindres, grâce auxquels le charme opère à nouveau. A travers souffrances, combats et intrigues pour repousser Royal, ils exposent leurs subtilités, font montre de finesse pour nous surprendre : tous ont en effet grandi au fil des tomes, et nous découvrons maintenant le fruit de leurs évolutions. Les nouveaux personnages, quant à eux, s'affirment tout en restant au second plan ; à n'en pas douter, l'auteur souhaite privilégier le dialogue entre ses anciens protagonistes, même si Caudron s'avère rapidement mystérieuse.

La cosmogonie se file avec l'Art, au détriment du Vif, moins présent malgré l'étoffe d'œil-de-Nuit, dont l'intelligence et le stratège auront de quoi surprendre ! Plusieurs informations nous sont révélés sur la magie des Loinvoyant, aussi bien sur ses aspects les plus théoriques que ses sources historiques ; nous envisageons une magie ancienne, autrefois utilisée dans biens des domaines mais dont le passage des siècles aura effacé ses premières attributions. On ne peut que féliciter l'inventivité de l'auteur qui, sans verser dans la pure originalité, grossit l'héritage de son univers, en lui composant des ancêtres, un passé cohérent ; à travers les poésies, les sculptures ou les conversations, nous nous instruisons sur cette époque révolue, et sur les possibilités offertes par l'Art. De ce point de vu, même les compères de Royal, à savoir le clan formé par Galen, nous démontre les utilisations multiples de l'Art, certes moins majestueuses mais donnant un bel aperçu de son potentiel.

Sur le plan stylistique, la plume de Robin Hobb demeure accrocheuse ; elle jouit d'un style très vif, d'une fluidité à faire pâlir de jalousie nombre d'auteurs, mais ne néglige pas pour autant le rythme, les rondeurs ou les variations incisives. On ne le dira jamais assez, Robin Hobb écrit bien, néanmoins, la richesse pure du cycle demeure assez secondaire ; sur le plan du vocabulaire, l'ensemble ne se distingue pas des autres romans, sans toutefois perdre de son attrait. Certes, on n'atteint pas la richesse d'un Gene Wolfe mais n'est-ce pas voulu, au final ? Même avec cet handicap, qui n'en est pas vraiment un, les descriptions nous transportent dans son univers, les pages nous contraignent à pousser toujours plus loin la lecture, et l'âme du roman ne s'étiole pas pour un sou. Au final, n'est-ce pas ce que recherche un lecteur, aussi exigeant soit-il ?

 

Note finale : 8/10

Sahagiel

 

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Assassin Royal Titre : La reine solitaire

Résumé du sixième tome :

Voici donc la fin de la route pour Fitz Chevalerie, et tous les chemins de sa vie semblent aboutir au même endroit : dans cette région désolée au-delà du Royaume des montagnes où vivaient les Anciens, dont le retour devrait sauver les Six Duchés. Mais si Vérité, le roi légitime, fils de Subtil Loinvoyant, espère le soutien des anciens pour sauver son royaume de la terrible vengeance outrilienne, son frère, Royal, l'usurpateur qui règne d'une main de fer sur les duchés de l'intérieur abandonnant les duchés côtiers aux exactions des pirates rouges, a d'autres plans pour la réalisation desquels il a formé de nombreux clans d'Artiseurs. L'art imparfait de Fitz suffira-t-il à sauver la situation et pourra-t-il sauver son Roi et sa Reine de l'implacable soif de pouvoir de Royal. Royal l'assassin parviendra-t-il à retrouver la paix dans les bras de son Aimée et de leur fille ?

Critique personnelle du tome 6 :

Robin Hobb semble avoir trouvé la formule du succès : depuis les prémices de cette épopée, les phalanges de fans n'ont cessé de croître, l'attente se faisant de plus en plus dure entre les divers romans. Mais, enfin, les lecteurs français relâchent la bride de leur impatience : ce sixième tome arrive, et emporte avec lui mille promesses.

D'un bout à l'autre ce roman se sera mû avec élégance, par une volonté d'étayer un univers différent. Robin Hobb n'essayait pas de le dissimuler : elle a bâti son monde sur de multiples archétypes ; pourtant il s'en exhale une fraîcheur inhabituelle qui, tel un parfum aux subtiles fragrances, ne dévoilera que peu à peu ses arômes. Ce sens du rythme, l'auteur le conservera tout au long du cycle, alternant moment de tension et d'accalmie sans jamais sombrer dans l'excès. Alors oui, les longueurs existent, mais elle se pâment face à tant de richesse…

Robin Hobb appartient à une génération d'auteurs débarrassés de toute gêne : l'obscurantisme stagnant sur les rayons Fantasy à de quoi ébranler les lecteurs, mais eux, poignée talentueuse, défraie les critiques. Robin Hobb trace son chemin, sillonne les routes de son monde et esquive les écueils pour nous livrer une fin mémorable. Les destins se croisent, les éléments s'emboîtent, les mystères trouvent enfin leurs solutions tandis que les destinés s'assombrissent. Jusqu'au bout et malgré la présence de certains clichés, on doutera de leurs avenirs. D'un coup de baguette magique, l'auteur façonne une histoire poignante et la rehausse de personnages inoubliables. Par des procédés subtiles, nous nous sommes attachés à eux or, maintenant, le temps est venu de les abandonner ; après toutes ces pérégrinations, on ne peut étouffer une pointe de chagrin : certaines choses se terminent trop proprement, d'autres nous ferons grimacer… et au final le livre s'achève sur une demie-teinte : pas de victoire manichéiste, juste un goût d'achèvement terni par la mélancolie, et même la déception. Pour une fois, peut-être, aurai-je préféré une happy-end…

Toutefois, Robin Hobb assaisonne son roman d'un ingrédient qu'elle maîtrise en tout point : l'âme de son monde ; son histoire, sa géographie, sa culture et ses personnages alimentent désormais l'appétit des lecteurs. Or de quelle merveilleuse façon sommes-nous comblés !
La démarche du scénario ne fera qu'entériner cette conclusion : sa complexité et son élaboration sur plusieurs plans demeurent proprement incroyables. Toutes ces questions restés en suspend sont aujourd'hui éclairées en une fraction de lignes. Et là, la compréhension se fraye un chemin dans notre esprit. Pourquoi les forgisés éprouvaient-ils une attirance pour l'Art ? Pourquoi et comment perdaient-ils leur humanité ? Quel sombre dessein poussait les pirates à ravager les Duchés ? Quelles étaient les motivations de Royal ? Ces interrogations, et cent autres encore, trouvent une réponse, limpide et d'une effroyable évidence. C'est en cela, aussi, qu'on reconnaît une main de maître.

Et enfin je terminerai cette critique avec quelques mots sur le style : outre la qualité de la traduction, qui reconstitue avec brio la magie du roman, ce tome développe une véritable marque de fabrique. Les variances subtiles de sa plume, les procédés stylistiques et la fluidité exemplaire des chapitres signent un très bon cycle. Grâce à la première personne, Robin Hobb est parvenu à tisser un monde cohérent et agréable à découvrir, deux choses qui freinent souvent les écrivains. Par la seule force de son talent, elle a su se hisser parmi les grands auteurs, place qu'elle mérite sans aucun doute…

Le cycle se ferme sur une note triste, mais ô combien intéressante. Les Six-Duchés conservent nombre de leurs secrets et plusieurs relectures s'avéreront nécessaires pour saisir la complexité de ses habitants… Un roman superbe, qui je l'espère vous charmera autant que moi.

 

Note finale : 8.5/10

Sahagiel