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À Vos Souhaits

 

A vos souhaitsAuteur : Fabrice Colin (voir sa biographie)

Genre : Fantasy

Titre : À vos souhaits

Résumé du premier tome :

A Newdon, dans le fog, John Moon traîne un spleen spectaculaire depuis que sa carrière d'entraîneur sportif, couronnée par une énième et ridicule défaite, vient brusquement de prendre fin. Si encore il était capable de se suicider correctement mais voici qu'une fâcheuse contrariété vient bousculer ses plans : possédée par le diable, la reine elle-même décide d'ouvrir la porte des enfers pour déchaîner le mal sur le monde. Désigné par un sort facétieux pour juguler ce terrifiant péril, notre brave John est contraint de s'adjoindre les services d'Oriel Vaughan, un elfe magicien incurablement médiocre, de Gloïn MacCough, un nain neurasthénique, et de Gryphius le dragon - petit, domestique et totalement imprévisible. Euh... et ça se termine bien ?

Critique personnelle du cycle :

Ah, s'adonner à la fantasy burlesque constitue un exercice difficile. Certains auteurs la survolent avec panache, et nous pourrions citer Terry Pratchett, d'autres se limitent à une vision aseptisée, où nous n'apprécions ni humour, ni style, ni fraîcheur. Aussi hésitons-nous sur sa classification : à ranger parmi les réécritures médiocres, les essais réussis, les perles ?

En posant les mains sur ce roman, une chose frappe : le registre se distingue. Nous craignions une pâle réécriture à la Pratchett ; un récit aux situations glaçantes, aux schémas revus cent fois ou à l'humour un tantinet forcé. Rassurez-vous : Fabrice Colin évite les écueils pour nous présenter un livre soigné, dont les descriptions, quand bien même seraient-elles succinctes, créent un monde innovant, fourmillant de personnages plus loufoques les uns que les autres. Ah, humour noir, ah, complaintes surannées, ah, protagonistes versant dans la médiocrité, quelle joie !

Fabrice Colin plante un décor délirant, où les morts-vivants réclament une reconnaissance citoyenne, où le diable couche avec la Mort, sans oublier les suicides ratés, les beuveries délicieuses et les amours impossibles. Véritable virtuose, l'auteur joue avec son texte, en insérant, outre les mômeries humoristiques, quelques passages osés : mise en page changeante et texte barré, vous en ferez bombance ! A notre grande satisfaction, l'écrivain ne se limite pas à un humour facile mais innove, ourdit une trame scénaristique feuilletée, dont les ramifications s'intriquent, se fondent, se dissocient à foison. Les références, clins d'oeil et autres cocasseries narratives noircissent ainsi les pages et, sans mauvais jeux de mots, ce côté obscur nous charme.

La lecture ne s'exempte pourtant pas de défauts : là où l'auteur frappait par son aisance, quand une ligne lui suffit pour brosser un caractère, surgit aussi le manque. En un sens nous regrettons ce traitement succinct. L'auteur n'étaye guère son univers or, la lecture finie, il reste une impression d'inachevé : oui, on sourit, mais au fond nous aurions aimé un univers mieux décrit, des relations plus longues, en bref : quelques approfondissements. Ce serait sans compter le site, bien sûr, qui fournit ses textes inédits.

Les protagonistes révèlent quant à eux leurs caractères tantôt fourbes et délateurs, désespérés ou énamourés, en un mot : disparates. Multiples facettes, multiples avatars, multiples rôles dont nous retiendrons le quatuor principal : John Moon, entraîneur de Quartek dépressif, Oriel Vaughan, chez qui l'illusion est aussi simple que couper un arbre avec une gerbe de fleur, et Gloïn MacCough, le nain neurasthénique. A leurs côtés, vous flairerez à la fois les pistes et les indices, évitant (ou pas !) les catastrophes.

Inutile d'insister, vous l'aurez compris dès les premières lignes : une fantasy française comme nous en réclamons souvent, nourrissant l'imaginaire sans nous lasser, s'adonnant à quelques voltes artistiques puis nous échouant au final, un sourire aux lèvres.

 

 

 

Note finale : 8/10

Sahagiel