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Interview de Samantha Bailly

 

Titre de son oeuvre : Au-delà de l'Oraison

Genre : Fantasy

Date de parution : début 2009 aux éditions Mille saisons

Pour en savoir plus : le site officiel de l'auteur

Résumé du premier tome -non officiel- :

Le royaume d’Hélderion a mis main basse sur Thyrane, imposant sa religion et ses codes sociaux à ses nouveaux sujets. Cet évènement bouleverse la vie de la noble famille Manérian : Aileen et Mylianne, les cadettes, sont envoyées en Pension, structure chargée de la rigoureuse éducation des enfants de membres de Corporations. Noony, l’aînée des trois sœurs, reste auprès de ses parents en vertu de ses prédispositions dans l’Art d’Oraison.

Sept années se sont écoulées depuis la séparation. Alors que Mylianne fugue de la Pension, elle est retrouvée morte dans les rues de Mizin, et tout porte à croire que cet acte est l'œuvre de la résitance Thyranienne. Aileen n’a alors plus qu’une idée en tête : élucider le meurtre de sa sœur.

Noony, quant à elle, est devenue oraisonnière. Elle doit maintenant quitter sa famille et sa cité pour son voyage initiatique. Tout bascule lorsque l'Astracan envoie sa décision de guerre contre les Terres Impies, Noony y voit la sombre répétition de l'invasion de Thyrane, et décide de sortir du chemin tracé pour elle.

Chacune de leur côté, au cours de leurs péripéties, les deux sœurs vont faire la lumière sur les manipulations du gouvernement et leurs croyances seront mises à rude épreuve.

Titre des romans composants le cycle:

1- La langue du silence
2- La chute des étoiles

L'interview :

Avant toute chose, merci à l'auteur de nous avoir accordé de son temps pour répondre à nos questions. Nous lui souhaitons bonne chance pour son parcours d'auteur, en espérant que son livre soit un succès !

Sahagiel : Au delà de l'Oraison est votre premier roman publié, comment est né ce projet ?

Samantha Bailly : Cette idée de roman est née par le plus grand des hasards, lors de mon année de terminale. Après avoir essuyé un premier échec éditorial avec mon précédent roman, je comptais m’entraîner l’été en écrivant des nouvelles, d’un autre genre de préférence. J’ai alors mis en ligne une série de nouvelles policières, mettant en scène le personnage d’Aileen. À la rentrée, quelques idées de roman de fantasy me trottaient dans la tête, et aimant réfléchir pendant les cours, lorsqu’un professeur a prononcé le mot « oraison », j’y ai trouvé une réelle beauté et une très grande charge symbolique. J’ai su que je devais écrire quelque chose qui tournerait autour de ce mot.

Dans le cas de petites maisons d'édition, internet peut être un moyen de promotion essentiel ; comment mettez-vous à profit ces nouveaux outils (site, blog, liens créés avec les internautes...) ?

En effet, internet est un terrain très important pour les petites maisons d’édition, pour ma part, j’ai décidé de créer mon propre site et de proposer un espace de discussion entre auteurs, lecteurs et dessinateurs. Je pense que cela peut être à la fois une vitrine promotionnelle et un cadre d’échange entre artistes et lecteurs. C’est tout l’intérêt du web, faire tomber les barrières habituelles !

Vous êtes à ce jour âgée de 19 ans, or on ne saurait ignorer cette rapide réussite. Que pourriez-vous conseiller à de jeunes auteurs, qui souhaitent emprunter la voie de l'écriture ?

Comme pour n’importe quelle voie artistique, je dirais qu’il faut d’abord que ce soit une réelle source de plaisir, travailler, et surtout savoir se remettre en question. À mon sens, je dirais qu’il faut simplement se considérer comme un éternel apprenti.

Au fil de la rédaction, quelles ont été vos sources d'inspiration, était-ce la musique, la lecture, les amis, un autre support ?

Comme beaucoup de romans, je crois que celui-ci a été un véritable creuset réunissant toutes sortes d’influences, que ce soit dans la littérature ou dans la vie réelle. On peut y déceler quelques éléments autobiographiques, souvent inconscients, comme l’idée de la Pension Sybilène, étant donné que j’ai moi-même été en internat. Ce sont finalement des ambiances marquantes qui m’ont donné envie de les retranscrire. En réalité, je crois que ma principale source d’inspiration a été la période de transition entre l’adolescence et l’âge adulte. Ma principale déception lorsque je lisais des romans dits « jeunes adultes / adolescents » était de ne pas y trouver d’adéquation avec mes propres questionnements ou sentiments, alors j’ai tenté de relever le défi. Mes personnages ont grandi au même rythme que moi, et je crois que c’est un élément intéressant : je n’ai pas essayé de retrouver les sentiments d’une période, j’ai voulu une psychologie assez authentique qui se calquait sur ce que j’observais dans mon quotidien. J’avais envie de saisir ce moment, pour ensuite le prendre avec du recul. L’évolution à partir de ce point de départ est vraiment ce que j’ai voulu faire ressentir.

Votre scénario, vos personnages, votre monde ont-ils beaucoup évolué au fil de la rédaction ? Certains éléments imprévus se sont-ils ajoutés, ou aviez-vous tout en tête depuis les prémices ?

Le scénario est assez complexe, puisqu’il est tout d’abord la fusion de deux histoires. J’ai fait un travail préparatoire pour l’univers, j’avais en tête des moments clefs, la fin et sa révélation finale. Je savais que certains personnages allaient intervenir, qu’il y aurait des chapitres charnières, la question était : comment vais-je en arriver là ? Le scénario s’est réellement construit lorsque j’en étais à la moitié du roman, beaucoup de déclics se sont faits et le début a subi un grand travail de réécriture. Puis le monde a pris son ampleur, et ça a été une réflexion continuelle, bien en dehors des moments d’écriture. Le résultat final est à la fois éloigné du but premier, et pourtant proche : l’oraison est au cœur de l’histoire, le fil rouge.

Sans nous en dire trop, quel passage de votre roman avez-vous préféré écrire, ou au contraire lequel constitua une difficulté ?

Le passage que j’ai préféré écrire se situe dans un décor bien particulier, je n’en dirais pas plus ! Il n’y a pas un passage qui m’a réellement posé de difficulté au premier jet, mais les bêtas lecteurs savent mettre les doigts sur certaines failles, surtout au niveau de la documentation. Il faut alors se plonger dans les bouquins spécialisés sur les bateaux par exemple, pour avoir un rendu crédible et essayer de maîtriser des domaines où l’on n'a aucune expérience.


J'ai lu sur votre site que vous étiez inscrite en licence de Lettres Modernes, depuis quand cette passion pour l'écriture vous poursuit-elle ?

Je ne vais pas être très originale, depuis que je suis enfant, précisément depuis le collège. Cette passion est née du plaisir de raconter des histoires, et elle ne me lâche pas depuis. Je savais que je voulais devenir écrivain, qu’on me répondrait que ce n’est pas un métier, mais j’ai toujours eu en tête de tout faire pour m’améliorer pour un jour donner naissance à un roman qui ferait rêver comme la littérature a pu me faire rêver.

Plusieurs personnes dans le domaine scolaire vous ont guidée à travers ce parcours, à quel point ce soutien était-il important ?

Ce soutien n’a pas été lié directement à l’écriture, mais au virus de la curiosité que peuvent transmettre certains enseignants. Je suis très admirative des professeurs qui ont la capacité de vous intéresser à leur matière, à transmettre leur intérêt. De plus, je crois que l’assurance dans le milieu scolaire a été pour moi un grand moteur de création, j’ai fait mon parcours tranquillement, sans en faire trop, ce qui me laissait beaucoup de temps pour écrire.

La question que tous les lecteurs se posent : quelle sensation éprouve-t-on en voyant son livre accepté ? En recevant la réponse positive, était-ce pour vous une surprise, un soulagement, une joie, un résultat logique ?

Surtout une surprise. Je m’étais déjà pas mal frottée aux éditeurs, avant même Au-delà de l’Oraison. Les réponses négatives sur mon précédent roman m’avaient fait beaucoup de mal, car à l’époque je pensais réellement que la publication était la finalité d’un roman. En faisant des rencontres dans ce milieu, j’ai rapidement eu l’impression que se faire publier était un objectif très lointain, et que j’avais beaucoup de progrès à faire. Je ne m’imaginais pas publiée avant la trentaine, et je commençais à me dire que ce roman n’était pas assez bon. J’ai travaillé, réécrit, scénarisé, corrigé, avant d’envoyer une version finalisée à six éditeurs en juin 2007. Ce moment a été pour moi une grande phase de remise en question : pourquoi écris-tu ? Est-ce vraiment un rêve d’être publié ? En fait, je crois que la réponse est non. Il y a beaucoup d’hypocrisie à dire qu’on n’écrit pas dans l’espoir d’être publié, j’essayais sans doute de m’en convaincre auparavant, mais quand on remet ses véritables objectifs en perspective, l’essentiel apparaît. C’est dans l’acte d’écrire que je trouve du plaisir, d’avoir des projets, de les mener à bien, d’être en perpétuelle évolution. Je n'aurais pas abandonné l'écriture, même en renonçant à l'idée d'être publiée, et je n'ai même pas envisagé le compte d'auteur. Finalement, la publication ne me paraissait intéressante que pour agrandir son cercle de lecteur, et pour ça internet est déjà une source inépuisable ! Je me suis dit que ce serait des bouteilles jetées à la mer, et que de toute façon c’était impossible, que la publication était une sorte de bonus, je n'ai donc pas attendu les réponses avec impatience, j'ai entamé le tome 2. L’essentiel pour ma satisfaction personnelle était de donner naissance à un roman que je jugerais bon. Et c’est dans le renoncement que je n’ai reçu pas une, mais deux réponses positives… ironique, non ? J’ai en plus eu le luxe du choix. J’ai été surtout surprise, contente, face à un dilemme, mais pas autant que j’aurais pu l’être à une certaine période. L’édition fait basculer aussi dans un autre univers, le juridique, le commercial, auquel on ne s'attend pas forcément. Et encore, je suis dans le cadre d’une petite maison d’édition qui a l’avantage d’être très humaine. Je suis heureuse de me dire que la publication me donnera la chance d’élargir mon cercle de lecteurs, d'aller encore plus loin dans le partage, et je crois que c'est le principal.

De quelle façon organisez-vous vos séances d'écriture ? Avez-vous un emploi du temps très strict, un rituel quelconque ou vous laissez-vous porter par la seule inspiration ?

J’organise comme je peux, en fait. J’ai mis de côté l’idée de la prépa car je pensais que la Fac me laisserait plus de temps, vrai et faux. Je n’ai jamais eu aussi peu de temps comparé au lycée, car si nos horaires sont souples, les lectures prennent un temps considérable, et le travail personnel est essentiel pour pouvoir suivre. Comme beaucoup d’étudiants, j’ai aussi un petit job à côté, et j’aime profiter un maximum de la vie étudiante. Pendant ma première année de Fac, où je corrigeais Au-delà de l’Oraison, je n’ai jamais aussi peu écrit de ma vie. Peut-être l’acclimatation à la vie indépendante, mais il y a aussi le fait que d’étudier la littérature à longueur de journée ne donne pas forcément envie de se poser le soir devant son ordinateur pour écrire… Alors j’écrivais selon l’inspiration. Mais le fait d’être publié ajoute un paramètre : il y a un rendu, on passe un contrat, on a des engagements. C’est une source de motivation, et aussi de stress, car il faut être à la hauteur. Alors je fais par période : si je vois que je traîne trop, je me donne des objectifs à tenir, finir tel chapitre telle semaine. Le but est surtout de me replonger dans l’univers, et ce sont en général les périodes les plus prolifiques et les plus épanouissantes ! Sinon, j’écris beaucoup pendant mes heures de cours, quand l’inspiration vient. Je dirais que c’est un va-et-vient entre quelques semaines d’auto discipline et des périodes au fil de l’inspiration.

Que pensez vous de la SFFF (science-fiction, fantasy, fantastique) ? Et, par extension, quels en sont vos auteurs préférés ?

La SFFF est mon terrain de prédilection, parce que les genres de l’imaginaire ont été mes premiers romans lus et dévorés, et aussi parce qu’ils sont les plus propices à l’évasion. Ces genres sont, à mon sens, dénigrés de manière très injuste, car ils ont trait au rêve, au merveilleux, les gens ont souvent des a priori négatifs sur les romans de fantasy, de SF ou fantastique, les associant à une certaine puérilité. Quand on est en Lettres Modernes, rares sont les options qui proposent d’étudier un livre correspondant à l’un de ces genres, qui ont pourtant un énorme succès auprès du public, et ce depuis le XIXème siècle avec Hoffman par exemple. L’imaginaire propose une réflexion interne sur le monde des représentations, il s’agit de donner forme à ce qui n’en a pas, de décrire des phénomènes bien souvent inexistants, des paysages inventés. N’est-ce pas là une idée, certes extrapolée, mais à la base de la littérature ? Transformer une image mentale en un texte, donner à voir ce qui n’existe pas. Ces genres exacerbent la création littéraire, il y a beaucoup de ponts à jeter entre la littérature dite « classique » et la SFFF.
En ce qui concerne mes auteurs préférés, j’admire particulièrement Robin Hobb, qui a à la fois une plume magnifique, des univers très fouillés, et qui sait nous lier au destin de ses personnages. Philip Pullman est aussi un auteur que j’apprécie énormément, il mélange à la fois l’imaginaire, l’érudition, et les références symboliques, et le tout avec brio !

En vous inscrivant dans le registre de la Fantasy, vous prenez le pari d'innover, le choix de ce genre fut-il instinctif ? Par ailleurs, craignez-vous de proposer un livre revu, quand tant de livres sortent chaque année ?

En fait, je n’ai pas choisi un genre, c’est plutôt l’histoire qui m’a choisie. Je ne suis pas assez sûre de moi pour garantir que ce roman proposera une innovation, j’espère évidemment qu’il saura apporter sa petite pierre, ma volonté était surtout de mélanger à la fois une intrigue axée plus policière avec ce qui est assimilable à une quête initiatique. Ce sera aux lecteurs de juger…

Comment votre entourage réagit-il à la publication ? Est-ce pour vous une forme de pression, vous a-il influencée au fil de la rédaction ?

Mon entourage familial est très content pour moi, mais a toujours été en dehors de cette passion, donc je ne ressens absolument aucune forme de pression. Pour ce qui concerne mes amis, ils m’ont toujours soutenu, j’espère simplement que la version finale leur plaira ! Il y a toujours des rencontres qui vous influencent à des degrés différents, mais ça a rarement été dans mon entourage proche.

Selon vous, quels ingrédients feront la différence avec les productions habituelles ? Quelle est votre force en tant qu'écrivain ?

J’espère que le rythme du roman et sa structure binaire seront des atouts, qui offriront au lecteur un vrai moment de plaisir. Ma force est, je crois, le désir de faire rêver.

Bien que votre livre ne sorte que l'année prochaine, vous avez instillé une certaine curiosité chez les internautes. Appréhendez-vous le passage par la case critique ?

Forcément, jusqu’ici je n’ai jamais été confrontée à la critique négative, ce qui est bien trop beau pour être vrai. Je pense que j’écouterai attentivement les critiques, car il y a toujours matière à s’améliorer et au moins à réfléchir sur les points négatifs qui seront sans doute soulevés, mais j’assume mon projet et j’espère qu’il trouvera ses lecteurs.

Avez-vous des projets pour la suite, et si oui pouvez-vous nous en parler ?

J’ai plusieurs projets, complètement différents. Quand j’aurai terminé l’écriture du tome 2 cet été, ma priorité est de reprendre mon témoignage de voyage en Biélorussie, intitulé Ne les oubliez pas, afin de le développer et d’en faire un véritable roman. Mon but est de le voir publié car il défend une cause qui me tient à cœur, et aborde le sujet épineux de la dictature, de la liberté d’expression, de nos clivages manichéens également. Peu de gens connaissent ce pays, et encore moins sa situation actuelle, alors qu’il est aux frontières de l’Union Européenne. Si cela intéresse quelqu’un, le premier jet est publié sur mon forum. Dans un ton complètement différent, je travaille aussi sur un projet de bande dessinée avec un dessinateur nommé Florian, à la base d’une ébauche de roman fantasy que j’avais abandonné, intitulé Mutine. Et j’espère aussi avoir l’occasion de collaborer avec mon amie Miya, mangaka chez Pika, nous attendons le moment où nous pourrons avoir un projet commun avec impatience !

Y-a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez encore apporter aux lecteurs ?

Si j’en suis capable, du rêve, de la curiosité.

Propos recueillis par Sahagiel