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Pirates des Caraïbes: Jusqu'au bout du Monde

 

Titre original : Pirates of the Caribbean: At World's End

Réalisé par : Gore Verbinski

Avec: Johnny Depp, Orlando Bloom, Keira Knightley, Geoffrey Rush

Genre : Aventure, Fantastique, Comédie, Action

Durée : 2 h 48min.

Année de production : 2007

Film américain.

Synopsis :

L'âge d'or de la piraterie touche à sa fin. Même le terrifiant Vaisseau Fantôme et son capitaine maudit Davy Jones servent à présent Lord Cutler Beckett et la Compagnie anglaise des Indes Orientales. L'invincible Hollandais Volant écume désormais les sept mers, massacrant sans pitié pirates de tous bords et sabordant leurs navires.

Will Turner, Elizabeth Swann et le capitaine Barbossa n'ont qu'une seule chance de résister à Beckett et à son armada destructrice : ils doivent rassembler les Neuf Seigneurs de la Cour des Frères, mais l'un des membres les plus éminents, le capitaine Jack Sparrow, manque à l'appel.

Will, Elizabeth et Barbossa, secondés par Tia Dalma, Pintel et Ragetti, doivent faire voile vers des mers orientales inconnues, pour affronter un pirate chinois, le capitaine Sao Feng, et s'emparer des cartes qui les conduiront au-delà des limites du monde connu, là où Jack est retenu…

 

Critique personnelle du film :

Les spectateurs sont laissés à quai tandis que le vaisseau coule.

Pirates des Caraïbes marche, même très bien, à tel point que les opus explosent régulièrement les records de rentabilité. La licence brasse des millions de dollars, renvoie à la cour des débutants des producteurs comme Sam Raimi, impose sa présence à tous grâce à une recette qui saisit le public, le poussant toujours plus loin dans l'action. On garde ainsi un excellent souvenir du premier volet et un moins impérissable du second, qui sombrait déjà dans les longueurs, les revues scénaristiques ; mais qu'en est-il du troisième ? Cela, chers amis, vous le découvrirez au long de cet avis guère amène.

Tout d'abord, il est toujours bon de signaler que cet opus a été réalisé en même temps que le deuxième volet de la trilogie, une réalisation simultanée qui n'a pourtant pas effrayé Gore Verbinski et Jerry Bruckheimer, ce dernier allant jusqu'à déclarer : “Faire un film est déjà un défi en soi. Mais quand vous préparez deux films en même temps, c'est là que les choses sérieuses commencent. Selon mon point de vue de producteur, c'était le seul moyen de faire le second et le troisième film de la saga. Réunir autant de talents comme Gore Verbinski, Johnny Depp, Orlando Bloom et Keira Knightley aurait demandé trois ou quatre années entre le second et le troisième film si nous les avions faits séparément. Trouver une période disponible dans l'emploi du temps de chacun et mettre au point tous les accords demandent énormément de temps.” .

Néanmoins, loin d'insuffler au film une vie propre, on s'achoppe à de multiples maladresses, tantôt dissimulées sous le jeu des acteurs, tantôt mises en avant par des scènes dégoulinantes de romantisme, mention spéciale pour le mariage de Will Turner et Elizabeth Swann, au beau milieu d'une algarade entre pirates. L'équipe en charge de ce dernier opus n'aura pas su mettre à profit la coordination des deux ; car là où le Secret du Coffre Maudit commettait d'irréparables fautes de goût, Jusqu'au bout du monde renchérit encore avec un manque de charme assez inquiétant. Certes, les différences sont nombreuses entre les films, mais elles ne tirent pas l'ensemble du bon côté, l'abîmant peu à peu dans les profondeurs hadales du commercial. Il serait malheureux de le nier, nous recevons cette fois un pur produit d'Hollywood, formaté par l'américanisme et joint par une pincée édulcorée. La déception est telle qu'on ne serait pas surpris de voir surgir, à la manière d'un Spiderman sur le toit d'un immeuble, un drapeau américain clamant les avantages du libéralisme. On nous promettait, aux vues des trailers, des interviews, des teasers ou des affiches, un retour aux sources, une véritable résurgence de l'esprit Pirates des Caraïbes. Mais le résultat s'en éloigne d'une manière peu louable, réduisant l'attrait des films aux simples effets spéciaux, si on souhaitait établir une analyse hypercritique…

Le second volet, déjà très décevant, s'appuyait sur les mimiques de Jack Sparrow et de sa personnalité hors norme, pour sauver l'équipée. Dès lors, notant sans doute le succès, les producteurs ont voulu réitérer l'opération. Le talent en moins. Alourdi par des répliques moins rafraîchissantes, Johnny Depp se lance ainsi dans une interprétation un rien cabotine, certes maîtrisée mais qui au final lasse le spectateur. Les bouffonneries du pirate, amusantes depuis le premier volet, commencent à s'appesantir au profit de répliques creuses. On peut alors s'interroger sur les motivations des producteurs : simples raisons pécuniaires ? Envie d'un dernier coup d'éclat avant de clore la série ? S'il entrait dans leurs intentions de nous surprendre, ils ont réussi, bien que cela soit dans le sens péjoratif du terme.

Autre défaut : l'action se substitue au dramatique. Dans l'esprit Disney, quoi de mieux qu'un méchant ayant fait main basse sur Port Royal et des gentils prêts à sauver le monde ? Cette vision manichéiste tend à ôter toute crédibilité au scénario : Davy Jones, protagoniste à mon goût le plus intéressant du second opus, se tourne brusquement en chien de chasse de Becket, s'offrant même un côté énamouré selon les scènes.Bien entendu, pour bien trancher les rôles, on nous offre tout au long des films des scènes d'exécutions niaises à souhait, avec un souci de la censure rappelant la présence récurrente de Disney. Exemple flagrant : première scène du film, nous nous immergeons -ne devrai-je pas plutôt dire noyons ?- dans une ambiance voulue dramatique : celle d'une pendaison massive. Comme le veulent les clichés, c'est un jeune garçon qui déclenchera la frêle émotion du public, en chauffant ses cordes vocales la corde au cou.

Au-delà de ça, les effets spéciaux, dont les spectateurs sauront se repaître, sont impeccables. Les différents éléments s'insèrent très bien dans le cadre, sans flou ni effet carton. En bref, un bon travail au niveau artistique, même s'ils souffriront d'une mise en valeurs plus qu'incertaine. Visuellement réussies, les diverses actions tirent donc le film vers le haut, proposant à plusieurs reprises des scènes d'anthologie, certes magnifiques mais s'appuyant sur un scénario bancal.

Le scénario, il serait bon d'en parler un peu. Réservé aux personnes connaissant bien les précédents films, le troisième se veut innovant en projetant sur un piédestal l'idéologie pirate, dont on découvre cette fois l'organisation hiérarchique, assez simplette mais distrayante à découvrir. Derrière cela, les héros se lancent dans le sauvetage d'une ancienne déesse, qui ne sert à rien, sinon à promouvoir les envolées technologiques du film, puis s'allient pour défaire le méchant, dans une ultime confrontation au centre d'un maelstrom. Que d'originalités ! L'ensemble manque ainsi de cohérence, côtoie les limites du risible et cède le pas à une interminable longueur, l'action fouillie n'aidant quant à elle pas à la compréhension. Car en plus d'afficher une longueur gargantuesque -presque trois heures, tout de même- Jusqu'au bout du monde met près d'une heure à vraiment démarrer. A ce titre, même la musique superbe d'Hans Zimmer s'étiole peu à peu, mal accompagnée parmi cette apothéose d'inepties. Les spectateurs sont laissés à quai tandis que le vaisseau coule.

Je terminerai donc par ses mots empruntés à Jerry Bruckheimer : “Un tel succès est finalement assez effrayant. On ne réalise jamais vraiment. Lorsque nous avions initié le projet, personne ne pouvait prévoir qu'un film de pirates inspiré par une attraction allait rencontrer un tel écho dans le public. Pour le second film, c'était tout aussi surprenant car dans le métier, tout le monde sait qu'une suite fait toujours 20 à 30% de moins que le premier film. Mais non, Pirates des Caraïbes - Le Secret du Coffre Maudit a fait presque le double de La malédiction du Black Pearl.“. Or il en est de même pour ce dernier opus, comme quoi même les films médiocres trouvent chaussure à leur pied.

 

 

Note finale : 2/5

Sahagiel