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Eragon

 

Réalisé par : Stefen Fangmeier

Avec: Ed Speleers, John Malkovich, Jeremy Irons, Djimon Hounsou, Robert Carlyle, Sienna Guillory, Garrett Hedlund

Genre : Fantasy

Durée : 1 h 20min.

Année de production : 2007

Film américain.

Synopsis :

Les aventures rocambolesques d'Eragon, un jeune homme, et de son dragon Saphira dans les contrées fantastiques d'Alagaësia. Devenu dragonnier, Eragon doit quitter sa famille pour combattre la tyrannie des Urgals et des ombres. L'avenir du royaume est entre ses mains...

Critique personnelle du film :

Eragon se laisse regarder... mais sans plus.

La scène d'introduction, plongée dans les nuages pour une immersion immédiate dans le film, s'accompagne d'une voix off aux inflexions tantôt claires afin de conter la splendeur des temps passés, tantôt sombres lorsque les dragons commencent leur algarade.
Les premières minutes d'un film se veulent déterminantes pour le spectateur, tout comme l'est l'incipit d'un roman. Alors quelles furent mes réactions ? Perplexité à la vue des caméras incertaines –sans doute pour nous immerger dans le flot tumultueux des combats- puis amusement lors de l'évocation du gaulois et de ses félonies. En bref, rien de bien engageant, nous obtenons une présentation manichéiste : les méchants laids, brutaux et ne se coupant jamais les ongles (toute de même, de la part d'un empereur...) contre les gentils à la plastique parfaite.
Démarre ensuite la scène d'introduction où l'héroïne, Arya, tombe dans une embuscade dressée par notre cher Durza et ses indigènes... pardon, Urgals. En parallèle, nous découvrons un Eragon incarné par Edward Speleers, qui se prépare lui à une partie de chasse.
Bien entendu, et malgré la vaine tentative du réalisateur, le suspense est inexistant tout comme les enjeux. Nous devinons déjà, tranquillement calés dans nos fauteuils, les prochaines minutes du film. Ainsi, l'intrigue est lancée : Eragon trouve son tic tac menthe, Arya s'écroule face aux pouvoirs de Durza après avoir valsée un instant entre les flammes.

Dés lors, une question se pose : comment le scénariste envisage-t-il l'œuvre de Christopher Paolini ? Eh bien ma foi, ce n'est guère reluisant. Jeté dans le village d'Eragon, le spectateur peine à suivre toutes les fourches du scénario : la venue des soldats nous suggère donc un pays en guerre, la multiplicité des noms perd le public non initié aux livres tandis que les personnages secondaires ou principaux sont mal mis en valeur, voire pas du tout.
Prenons un exemple concret : Roran, le cousin d'Eragon. Celui-ci passe d'un état de quiétude relative, à ferrailler avec son presque frère sans se soucier des troubles du village, à un état de crise ; il décide de fuir son village natal.
Mais très vite nous abhorrons un nouveau point : les incohérences. Malheureusement, ce film s'en barde, à croire qu'il souhaite remporter l'oscar de la plus belle erreur scénaristique. Par exemple, au cours de leur échappée, Eragon et Brom prennent partis d'éviter les routes principales afin de tromper les troupes Urgals. Quand Eragon proposera de se rendre à Gil'ead pour y délivrer sa vision (Arya l'appelant à l'aide) le vieux conteur prétextera un long détour et refusera de s'associer à l'assaut. Ainsi, le jeune garçon part seul avec Saphira, sa dragonne. Je vous épargnerai une nouvelle critique sur l'assaut de la forteresse particulièrement improbable pour en venir au fait : alors qu'Eragon semblait perdu, son mentor s'interpose entre la lance et son corps.... très beau geste, mais une question demeure : comment a-t-il pu rallier la ville aussi vite, avec deux chevaux à charge ?
Cependant, le pire reste à venir. Enfin, le pire, tout est relatif, ce film n'est pas non plus une catastrophe quand on se réfère au livre, lui-même pétri de stéréotypes. Comment voudriez vous mettre en scène des protagonistes mièvres, sans profondeur ni charisme ? Difficile. Aussi Stefen Fangmeier se contente de retracer l'épopée, certain que le public adolescent appréciera cette adaptation.

Ensuite, la tension n'est pas la même que dans un Seigneur des Anneaux ou un Star wars, les rebondissements « rythment » une action linéaire, trop convenue, dirons nous, sur une composition musicale plutôt réussie mais dont Patrick Doyle se mordra les doigts... Le producteur souhaitait à n'en pas douter assurer une synthèse entre les deux sagas toutefois il manque ce grain de folie si appréciable chez Peter Jackson.
Il s'agit là d'un grand défaut : aucune prise de risques. La caméra évoque ainsi des plans gentillets, presque niais en fait, avec en fond des paysages carte-postale-au-grand-ciel-bleu. Le déroulement très linéaire du scénario parachève d'ailleurs cette impression de vide : le héros, orphelin dés la naissance, abandonné par sa mère mais possédant un don singulier, comme de bien entendu, se balade du point A au point B (le tout sur son cheval, de beaux parcours équestres, s'il en est) sans chercher à mettre les choses au clairs. Les révélations s'enchaînent les unes aux autres, parfois comme un cheveu sur la soupe, et nombre de personnes s'en voient déroutés.

Mais pouvait-on mieux faire avec un film aussi court ? Cet impératif ampute grandement à la teneur générale puisque certains personnages se voient relégués au second plan, -voir supprimer-. La cosmogonie demeure tout juste effleurée et l'intrigue trop peu étoffée. On pourrait résumer à ceci : Eragon sait tout, alors qu'il n'apprend rien ; comprend tout alors qu'il ne connaît rien ; se montre brave mais résigné à obéir aux frasques du destin.
Ah, la vêture des acteurs, mélange d'habits contemporains et de tuniques orientales, mériterait un soin particulier lors d'une suite, tant elles tournent en ridicule des scènes censées nerveuses.

Mais bon, parlons maintenant de l'interprétation de ses personnages. Ah, le film promettait beaucoup avec de telles têtes d'affiche : Robert Carlyle, John Malkovich, Jeremy Irrons, Sienna Guillory ou Rachel Weisz. Mais il ne faisait que promettre. Alors bien sûr, le talent de ces grands acteurs apportent au réalisme du film, notamment la prestation de Jeremy Irrons dans le rôle du mentor mystérieux, mais que dire du maquillage burlesque de Robert Carlyle ? Celui-ci se voit d'ailleurs affabulé de méchant et se lance dans une interprétation un rien cabotine. John Malkovich souffre lui de ses répliques plates et ne peut donner une consistance à son personnage. Qui reste-t-il ? Sienna Guillory ? Malgré le massacre de la voix française, elle tire son épingle et essaye de s'attacher au rôle. Mais là encore, les répliques lui coupent les jambes. Alors elle se débrouille, étête deux ou trois Urgals au cours de la bataille (la princesse guerrière nous parait alors bien pâle...) puis se retire sur son étalon blanc, un sourire aux lèvres et l'œil malicieux. Moyen. Il en est de même pour le jeune Edward Spelleers, interprète d'Eragon. Ma foi, il s'en sort pas mal, malgré un manque de charisme évident.
Ne me dévisagez pas, je n'ai pas oublié votre Garret Hedlund, autrement nommé Murthag. Sans doute l'une des meilleures interprétations. Il n'apparaît que quelques minutes dans le film mais vole la vedette à son comparse, sa présence sur scène jouant pour beaucoup.
Des voix françaises, nous retiendrons que celle de Saphira, un chouya trop doucereuse à mon goût.
Les relations entre les protagonistes sont quant à elles moins transparents que dans le livre. On ne sent pas l'attachement d'Eragon envers Arya, si ce n'est quelques regards lancés à la dérobée. Murthag, suite à son arrivée grandiloquente, se lie aussitôt d'amitié avec Eragon, je le cite "tu vas vite me faire confiance". Cela manque de naturel. D'autres liaisons demeurent quant à elle floues, notamment celle d'Adjihad et Nasuada où nous n'observons pas de rapports traditionnels père/fille. Ils semblent presque inconnus l'un à l'autre, assez troublant. Là encore, Saphira et Eragon sauvent la mise. Leur attachement, appuyé par le contact mental de la voix off, s'éprouve au cours de chaque minute. Il s'agit, à mon humble avis, de la seule union évoluant. Brom, dans le rôle du père de substitution, n'est pas mauvais même si sa mort laisse de marbre ; absence d'émotions oblige.

Ensuite, un détail ayant visiblement dérangé les fans : le respect du livre. Le scénariste fait le choix de s'en écarter –pour éviter les procès ? Peut-être- mais en 103 minutes, le résultat en ressort fade. Les détails physiques n'apportent guère à la réussite d'un livre ou d'un film, surtout aux vues de leurs descriptions originelles, ainsi elles ne nuisent pas à l'ensemble. Cependant, certains personnages absents (les jumeaux, Solembum, les Nains) incarnent eux un problème pour une éventuelle suite. Les différences sont telles qu'il faudrait remanier l'essence même du livre. Le mot adaptation n'aurait pas pu être mieux choisie. A voir, donc.

Enfin, le point fort d'Eragon : les effets spéciaux. La dragonne, travail de la Weta Workshop de Joe Literi, est somptueuse. Dotée d'expressions faciales variées, d'un découpage au sein du décor maîtrisé et d'une animation fluide, elle aide à l'immersion. En bref, elle dégage la plus grande force du film. On ne peut guère apprécier la texture de Shruikan, le dragon de Galbatorix, néanmoins son regard flamboyant présage de bonnes choses au niveau artistique. Du joli boulot cependant j'attendais un peu plus de panache, peut-être, pour une créature aussi admirable.

Eragon demeure donc un film moyen, destiné à un jeune public. L'histoire se laisse regarder, on se prend au jeu mais en grognant face au manque de profondeur des acteurs. Défaut directement affilié au livre. Cela gênera surtout l'immersion des fans et en général l'identification des plus jeunes. Stefen Fangmeier s'en sort toutefois en s'inspirant largement du Seigneur des anneaux dont il tire les plans panoramiques, les vues en plongée puis l'impression de grands espaces (sans oublier bien sûr Durza-Saroumane présenté à ses armées). Sa plus grosse erreur résidera dans la bataille finale, où il tente de reproduire la tension du gouffre de Helm. La caméra y devient hésitante, noyée sous un océan de figurants, pour au final ne rien distinguer de ce brouhaha naïf.

A réserver à un public jeune et aux fans, je pense.

 

Les plus

- Saphira
- Le paysage pittoresque
- Fera plaisir aux plus jeunes et les initira peut-être au genre

Les moins

- Caméra brouillonne
- Répliques mièvres
- Personnage au classicisme effrayant
- Les inspirations évidentes (comme le plan à la star wars, quand le soleil bascule à l'horizon).
- Trop court, sans doute.
- Trop gentillet.
- Un scénario cousu de fils blancs.

Note finale : 2.5/5

Sahagiel