Critique personnelle du tome 1 :

Nicolas Eymerich, un nom qui d'emblée intrigue, soulève comme un seul homme les attentes. Un parfum particulier en émane, celui de l'Inquisition, chargée à travers les siècles de réprimer les hérésies et de soutenir la Chrétienté, en recourant si nécessaire à des méthodes guères catholiques.
Ce livre part du principe que les différentes époques sont liées entre elles : ainsi des ponts, des interconnexions moduleraient à loisir le cour des choses. De fait, l'action la plus anodine au XII ème siècle engendrerait une catastrophe mondiale mille an plus tard, par exemple. Un principe annonçant une perle d'inventivité...! Nous pénétrons donc dans cet univers avec intérêt, en nous demandant si, parmi cette efflorescence de romans, il est parvenu à se détacher.

Autant le dire sans tarder : ce livre revête d'incontestables qualités, mais aussi quelques défauts. Je ne sais si, en se basant sur des critères objectifs, nous pourrions les qualifier de maladresses, mais les égarements scientifiques de l'auteur tendent à perdre le lecteur, notamment quand il nous gratifie de son vocabulaire cosmique, dont on peine à assimiler les définitions. Ainsi, les passages où nous pénétrons dans la science-fiction s'avèrent moins prenant, réservés aux personnes rôdés tandis que les périgrinations d'Eymerich, elles, raviront tout un chacun.

Car la force du roman s'incarne dans son personnage principal, Eymerich, charismatique et délateur, flagorneur et intelligent, froid et impartial, en un mot : superbe. L'auteur se dote de solides connaissances historiques pour décrire ce protagoniste, qui effectua son office à partir de 1357, où il reçut la charge d'Inquisiteur général d'Aragon par Innocent VI. Bien sûr, Valerio Evangelisti modifie la vie de son jouet, mais il reprend ses caractéristiques premières, celles qui façonnèrent sa légende : praedicator veridicus, inquisitor intrepidus, doctor egregius...

En mêlant polar, fantastique, science fiction et récit historique, Valerio Evangelisti multipliait les pierres d'achoppement, aussi aurions-nous pu craindre cette diversité ; pourtant il mène son intrigue d'une main de maître, au point de captiver sans fausses notes son lectorat, jouant de mystères, de suspense et de rythme pour le férer. Autant le dire : l'enquête d'Eymerich s'avère prenante. On suit son aventure en retenant notre souffle.
L'ambiance retranscrit, qui ajoute à la suspicion des éclats de fantastique, à travers les hérésies ou les manifestations diaboliques, s'annonce tout simplement splendide. Sans tomber dans la dithyrambe, on ne peut que saluer cet effort car visiter les venelles fangeuses d'Aragon, combattre les hérésies dans le sang et les souffrances, pénétrer dans un monde où la violence prédomine, voilà un sursaut de fraîcheur ! Et quelle exultation quand nous assistons aux manigances de cet Inquisiteur qui, au delà de son apparente soumission, endosse sans apprêts ses responsabilités ! Par la force de sa logique, il parvient à rallier ses adversaires et même plus, tant son audace le place auprès des grands.

A n'en pas douter, Valerio Evangelisti réussit là un coup de force, en replaçant dans son contexte l'un des personnages les plus intéressants de l'histoire. L'univers ainsi créé charmera chacun d'entre vous (du moins si vous admettez les pratiques guères humanistes de l'Inquisition !).
Mais l'auteur ne s'arrête pas en si bon chemin, puisqu'il intègre à son roman une pléthore de nuances, de raisonnements scientifiques, certes difficiles à saisir mais étayés, innovants et surtout cohérents. Ajoutez à cela une pincée d'humour bienvenue, des personnages secondaires notables et un style qui ne dément pas, et vous obtenez l'un des cycles les plus prometteurs du genre.

Note finale -lecteur expérimenté- : 7,5/10

Sahagiel